Le nombre – République VII, 524d-525b
Enfants et jeunes gens sont formés par deux sortes de disciplines, les unes qui fortifient le corps (le régime de vie et la « gymnastique », autrement dit les sports) et les autres qui nourrissent l’âme (les arts des muses, poésie, musique, danse, etc., soigneusement sélectionnées). Ils vivent alors dans ce bas monde aussi au sein des arts et sciences (technai, épistémai). Ils perçoivent, et ils entretiennent des opinions (aisthesis et doxa) : ils deviennent pleins d’expérience. Mais, en un certain sens, entre les gymnases et les stades, défilant en formation, ils vivent encore en vase clos. Or Socrate tient à faire sauter le couvercle, à leur faire poursuivre une formation différente, plus intellectuelle, on peut même dire : spécifiquement intellectuelle. Pour la désigner, un mot s’impose : « ta mathemata », les mathématiques. De quoi s’agit-il avec elles ? De quelque chose, nous dit le mot lui-même, qui s’enseigne seulement : qui suppose des entités nouvelles, non empiriques (comme les nombres et les figures), une langue nouvelle avec ses propres mots définis, avec ses symboles (par exemple des lettres – qui ici dénotent des chiffres), avec ses instruments (comme les gnomons pour calculer, additionner, porter au carré), avec ses abaques ; et surtout qui signifie cette maîtrise intellectuelle qui n’a lieu que là, puisque définir, travailler sur figures, démontrer, enchaîner les théorèmes, permet d’être vraiment certain de certaines vérités : comme celle qu’énonçait le théorème de Thalès sur les triangles semblables, qui a permis, on le raconte, de calculer la hauteur des pyramides de Gizeh ; ou celle qu’énonçait le théorème de Pythagore, dont la vérité saute aux yeux pour certains nombres (3²+ 4²= 5²). Cette formation mathématique ouvre sur autre chose que la vie d’homme, de guerrier, de citoyen qui est cette vie sous cloche que Socrate dirait ajustée à la génésis, au devenir des choses ; et à un milieu clos seulement.