Une bonne partie des textes réunis dans ce numéro consacré à la religion a fait l’objet d’une première présentation orale lors des journées d’études organisées par la revue ALTER au cours des années 2019 et 2020 à l’ENS de la rue d’Ulm. À quoi se sont ajoutées différentes contributions adressées à la revue ainsi que la traduction d’un ensemble de textes (lettres, inédits, entretiens) qui permettent d’éclairer les convictions religieuses d’Edmund Husserl. En effet, on se contente bien souvent d’affirmer l’athéisme méthodologique de la phénoménologie en renvoyant, si besoin est, au paragraphe 58 des Idées directrices pour une phénoménologie pure et une philosophie phénoménologique, au cours duquel la transcendance de Dieu est mise hors circuit. Paul Ricœur, du reste, renouvelle explicitement ce geste en ouverture du premier tome de sa Philosophie de la volonté.

Ainsi s’est installée la conviction que phénoménologie et religion font deux et qu’il est « hérétique » de vouloir mettre l’une au service de l’autre et réciproquement. C’est toutefois oublier un peu vite non seulement que Husserl, d’origine juive, s’est converti au protestantisme luthérien (1886), mais aussi qu’il envisage lui-même la phénoménologie comme un chemin vers Dieu et, plus précisément, « un chemin athée vers Dieu (ein atheistischer Weg zu Gott) ». Cette dernière affirmation suffit, semble-t-il, à soulever un ensemble de questions relativement complexes quant au rapport de la phénoménologie et de la religion, dont la première pourrait être celle de savoir si une phénoménologie du divin est possible. Car, comme le rappelait Jocelyn Benoist il y a une trentaine d’années, « si Dieu existe, on ne me l’a jamais ‘‘présenté’’ ».

https://journals.openedition.org/alter/1962