Cournot est aujourd’hui à la mode. Après un long silence fait autour de son nom et de ses livres, on vient à lui de tous les côtés, et, depuis quelques années, le nombre des études qui lui sont consacrées, livres, thèses, articles de revue, est déjà fort important. Dans l’ardeur qu’on met à le découvrir, je me demande si l’on tient assez compte des dates successives de ses écrits, si l’on n’a pas une tendance à les prendre en bloc, comme exprimant, en un ordre qui varie, il est vrai, le même ensemble d’idées. L’excuse est, je le sais, que Cournot ne nous conduit pas de lui-même à trouver chez lui des changements d’attitude. Une seule fois, à propos des antinomies de Kant, il nous déclare que son opinion a varié. Ne semble t-il pas alors qu’à cette exception près, sa pensée soit restée immuable ? Puis il se répète d’un livre à l’autre, reprend sans cesse,, et souvent dans les mêmes termes, d’anciens exemples, d’anciennes formules… A qui serait intimidé par de telles remarques, je rappellerai simplement l’exemple de Kant qui, même publiant la Critique de la raison pure nous déconcerte par l’utilisation si fréquente de pages empruntées à ses premiers écrits, parfois reproduites et comme plaquées sans la moindre allusion au chemin parcouru. Et, sans insister davantage, je dirai comment pour ma part je me représente, sinon d’après ses confessions, du moins d’après ses livres, le mouvement de la pensée de Cournot.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k68125r/f8.item