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Représenter l’invisible ?

Introduction

A. Ce dont nous sommes sûrs, c’est que le visible – et même tout sensible- se «présente » à nous, à chaque fois que vous voyons ou sentons. Et que, par là même, sa « re-présentation » est possible : telle un reflet dans un miroir, ou une photographie, ou un portrait en peinture. De visible à visible. [Comme certains sons de flûte peuvent « re-présenter » un chant de rossignol : d’ouï à ouï]. Nous parlons ainsi car nous savons comme, dans notre langue, le mot visible tend à signifier le sensible en général : quand nous disons « invisible », nous pouvons souvent par métaphore signifier l’inaudible. Si nous parlons d’un Dieu invisible, nous voulons aussi bien dire : « inaudible »  car le silence éternel des espaces infinis effraie une âme en quête de Dieu autant que son invisibilité. [Il aurait fallu que Dieu fût au moins exprimé par la musique des sphères : un bel octave, une harmonie : Pascal aurait tendu l’oreille, comme Pythagore le faisait.]

Mais prenons le mot « visible » au sens propre. Il faut qu’une chose soit visible pour qu’elle soit vue (nous ne voyons pas les sons ni les parfums, etc.) : et il faut de la lumière et des yeux pour que la vision ait lieu ; et alors il y a un champ visuel. Le champ visuel commence sensiblement en avant des yeux, il a son horizon et ses limites latérales : le reste est « invisible » en l’état ; si une rotation sur soi pouvait le rendre visible, il ne serait invisible qu’en puissance. Mais déjà là, dans notre champ visuel, yeux ouverts, à la lumière du jour : il y a de l’invisible persistant, du non-vu ou de l’invu . En effet, du fait que la lumière est réfléchie par les surfaces : le « sous la peau », ou sous la surface, ou sous le sol, ou derrière, n’est pas vu, pas plus que la face cachée de la Lune (qu’il a fallu que des engins spatiaux aillent photographier pour que nous ayons l’idée de son relief, sinon c’était impossible depuis ici). Aussi il a fallu la levée d’une interdiction pour que l’on puisse disséquer un corps humain et en représenter l’anatomie, en faisant appel à des peintres : Vésale, années 1550-60 : La Fabrique du corps humain. Et déjà donc notre vision naturelle combine du vu et de l’invu, et sans doute les formes ou les volumes, ou les masses sont-elles visuellement pressenties grâce aux ombres propres ou portées, grâce à la perspective optique (nous savons d’expérience comment une pyramide se présente à notre vue, ou un cube, ou une sphère…) : déjà donc dans la moindre vision, il y a une sorte de langue sensible : si un cercle est vu, avec telles sortes d’ombres, je devine qu’il y a là une sphère : je vois un cercle, je me représente une sphère… ; de toute façon sur un mur ou un tableau en 2D, la profondeur est moins vue que construite par l’interprétation cérébrale de l’image : comme si elle était en 3D.

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