L’expérience mystique à la lumière de la psychologie des religions et du savoir contemporain

En France, au lendemain de la loi sur la séparation des Églises et de l’État (1905), la revue d’avant-garde le Mercure de France lance opportunément, courant 1907, une vaste « enquête internationale » sur la question religieuse qui s’étale sur plusieurs mois. Le journaliste, Frédéric Charpin justifie ce choix en formulant d’emblée le constat suivant : « jamais peut-être, depuis la Réforme, on n’avait montré une telle curiosité pour tout ce qui concerne la religion, un tel travail d’érudition, de critique et de propagande » (Charpin, 15 avril, p. 577), se déployant dans des ouvrages, revues, conférences et cours réguliers : « au Musée Guimet, à l’Ecole pratique des Hautes Etudes, au Collège de France, à l’Ecole d’Anthropologie, au Collège Libre des Sciences Sociales, à l’Ecole des Hautes Etudes Sociales, dans les écoles confessionnelles… » (ibid., p. 577), mais aussi à l’Institut général psychologique, à l’asile de Sainte-Anne, à la Salpêtrière, à l’Institut catholique de Paris, à l’Ecole de psychologie, et bien sûr à la Sorbonne ainsi que dans les diverses facultés de l’hexagone. Au même titre, il constate que divers bouleversements sont à l’œuvre sur un plan international, rendant saillant de multiples « luttes engagées contre les doctrines religieuses, contre une religion ou au nom d’une religion » (ibid., p. 578). Fort de cet état des lieux, Charpin sollicite une diversité de contemporains positionnés dans des champs disciplinaires variés, afin qu’ils lui soumettent leurs réponses à la question suivante : « Assistons-nous à une dissolution ou à une évolution de l’idée religieuse et du sentiment religieux » ? Les réponses formulées, convenues pour certaines, originales pour nombre d’autres, mais toujours relativement brèves, ont le mérite non seulement d’engager partiellement ceux qui les énoncent, mais surtout d’être dépourvues de commentaires subsidiaires ; ce qui génère dès lors une mosaïque de points de vue méritant rétrospectivement d’être succinctement présentés. Car de fait, bien que cette « enquête internationale » soit passée depuis fort longtemps aux oubliettes de l’histoire, force est de constater que sur un plan historique, elle situe un moment clé, susceptible d’éclairer, partiellement au moins, la thématique que je suis invité à traiter ce soir : « L’expérience mystique à la lumière de la psychologie des religions et du savoir contemporain ».

https://media.collegedesbernardins.fr/content/pdf/Recherche/5/recherche-2012-2013/2013_02_28_jc_cr-mystique.pdf