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La philosophie pratique de Russell

Si le Russell célébré par les philosophes est le logicien des Principia Mathematica, l’inventeur de la théorie des descriptions et de la théorie des types, le théoricien de l’atomisme logique ou le partisan du monisme neutre, ce sont ses écrits sur la morale et la politique, ses prises de position en faveur de la paix ou contre l’utilisation des armes atomiques, ses jugements abrupts et lucides sur des questions de société qui lui ont valu une renommée internationale et la faveur du grand public. C’est que le philosophe de Cambridge s’est en fait rêvé dans le rôle d’un Voltaire du XX ème siècle et que, fait relativement rare dans le monde anglo-saxon, il a voulu tenir le rôle d’un intellectuel – au sens où on entend ce terme en France depuis le siècle des Lumières.

Mais tout se passe, et Russell lui-même n’est sans doute pas étranger à la chose, comme si une frontière étanche séparait la production philosophique de textes techniques consacrés essentiellement à la connaissance, de textes qu’on pourrait qualifier de témoignage et de combat et dont la place à l’intérieur de la philosophie russellienne fait problème. Russell lui-même avouait ne pas être satisfait de ce qu’il avait pu dire dans le domaine de l’éthique et soutenait qu’en face de l’action mieux valait un jugement correct qu’une doctrine en bonne et due forme, difficilement adaptable aux circonstances et applicable ici et maintenant. On peut par ailleurs se demander si une philosophie se voulant scientifique n’est pas tout naturellement conduite à laisser hors de son domaine toute réflexion d’ordre éthique ou esthétique. De ce point de vue on s’expliquerait que Russell n’ait pas considéré comme dignes de relever de la philosophie ses interventions dans le champ de la morale et de la politique.

Encore faudrait-il que sa contribution à l’éthique et à la politique se soit limitée à des interventions conjoncturelles, que sa conception de la philosophie ait été tributaire de la fascination pour la méthode au point d’exclure tout ce qui ne saurait être traité au moyen de celle-ci. Or tel n’est pas le cas. L’ensemble des écrits de Russell comprend un grand nombre de textes théoriques concernant l’éthique ; la prise en considération de l’évolution russellienne révèle un Russell s’interrogeant sans cesse sur la valeur et les limites de la philosophie et toujours oscillant entre une conception traditionnelle de la philosophie, laissant notamment sa place à la métaphysique, et une conception plus technique la réduisant à une philosophie de la connaissance.

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La morale dans le Discours sur l’ensemble du positivisme

« Le positivisme se compose essentiellement d’une philosophie et
d’une politique, qui sont nécessairement inséparables, comme constituant
l’une la base, l’autre le but d’un même système universel, où l’intelligence et la sociabilité se trouvent intimement combinées ».

Cette déclaration, qui ouvre le Discours sur l’ensemble du positivisme,
pose problème parce qu’elle omet d’évoquer la morale, laquelle, on l’apprend
dès les premières lignes de la première partie, doit prendre place entre la philosophie et la politique. Mais c’est justement par cet oubli que l’affirmation d’ouverture est symptomatique de ce qui se joue dans le Discours : la morale, qui n’est pas encore la septième science de l’encyclopédie, comme ce sera le cas à partir du second tome du Système de politique positive, va venir s’insérer de manière encore assez obscure et indéfinie, entre la philosophie et la politique, et envahir le Discours qu’elle organisera de manière sourde, dans son ensemble et dans son détail. Ainsi le Discours n’est pas seulement le lieu d’émergence de la religion positive – qui apparaît dans la conclusion. Il correspond
à ce moment de la carrière de Comte où la réflexion morale, dans un
sens qu’il nous incombera de définir, prend le pas sur toute autre perspective.

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La justice entre critique du droit et critique de la morale

La question de la justice chez Marx est prise dans deux types de
problèmes interprétatifs. Le premier aspect du problème concerne de la
normativité morale chez Marx. Nombreux sont les commentateurs qui
considèrent que l’oeuvre marxienne manque de la théorie de la justice que
présuppose son projet de transformation de la société. Deux types de
démarche sont alors possibles : la première, qui s’est développée
principalement dans le cadre de l’École de Francfort, consiste à développer
une éthique susceptible de relever le défi de la critique marxienne de la
morale ; la seconde, qui s’est développée principalement sous l’impulsion
du marxisme analytique, juge la critique marxienne de la morale incohérente et s’efforce d’expliciter l’éthique, la morale et la théorie de la justice que les analyses de Marx présupposent. Le second aspect du problème concerne la critique du Droit qui, prend chez Marx de nombreuses formes dont certaines
conduisent à des références explicites à la question de la justice.

Quelle est donc la fonction de la justice chez Marx ? On verra que les
réponses ne sont pas forcément convergentes suivant que l’on considère l’un ou l’autre des aspects du problème.

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Les questions morales de l’Essai sur l’entendement humain : éthique rationaliste ou morale prudentielle ?

Les lecteurs de Locke ainsi que de nombreux commentateurs ont longtemps eu tendance à séparer et à traiter à part deux orientations de sa pensée et de sa recherche : d’une part ses préoccupations concernant les principes, l’origine et la valeur des connaissances humaines et d’autre part, les préoccupations morales et politiques ; l’Essai sur l’entendement humain traiterait principalement des premiers problèmes et les Deux traités du gouvernement des questions politiques ; et il manquerait un traité portant exclusivement sur les questions de morale. Une lecture plus attentive permet de découvrir que la démarche poursuivie dans l’Essai ne sépare jamais radicalement les deux séries de problèmes . Dans son “ Épître au lecteur ” qui introduit l’Essai, Locke indique comment lui est venue l’idée de son entreprise : une discussion difficile entre amis “ sur un point fort différent de celui que je traite dans cet ouvrage… ” le convainc “ qu’avant de nous engager dans ces sortes de recherches, il était nécessaire d’examiner notre propre capacité et de voir quels objets sont à notre portée ou au dessus de notre compréhension ”. Nous ne disposons d’aucune certitude concernant le contenu de la discussion ; mais il est probable qu’il s’agissait de la connaissance de la loi naturelle, question vers laquelle Locke s’était orienté à partir des problèmes politiques dont il traite dans des ouvrages écrits dans les années 1660 – une dizaine d’années avant le début de la conception de l’Essai. En effet, du livre I au livre IV, Locke aborde des questions épistémologiques : critique de l’innéisme des idées et des principes, origine des idées, critique du langage, problèmes de la valeur et des limites de nos connaissances, mais il a soin tout au long de son ouvrage, de tirer les conséquences de ses analyse et de ses investigation aussi bien dans le domaine strict de la connaissance scientifique que dans celui de l’action pratique et de la morale….

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La différence éthique dans la pensée de Spinoza

Dans les Recherches sur la liberté humaine Schelling montre que la question du mal est, par excellence, l’aporie de tous les systèmes philosophiques, la question où apparaît le plus nettement l’insuffisance de leurs concepts fondamentaux. Et il souligne que c’est dans le panthéisme, régi par le concept de l’immanence, que l’aporie devient la plus rude. Elle consiste dans l’alternative suivante : ou bien le concept d’un mal effectivement réel est admis, mais l’immanence exige alors de le poser dans la substance infinie ou la volonté originaire, qui ne correspondent plus, dès lors, à l’idée d’un « être le plus parfait de tous ». C’est la destruction de l’idée de Dieu. Ou bien la réalité du mal est refusée, mais avec elle s’évanouit le concept réel de la liberté.

Spinoza, pense Schelling, a nié la réalité du mal. Cette lecture n’est pas sans fondement et peut être illustrée par la lettre XIX de Spinoza à Blyenbergh . Le correspondant de Spinoza formule l’aporie classique : ou bien le mal et le péché n’existent pas, Dieu par qui tout existe ne pouvant en être l’auteur ; ou bien le mal et le péché existent, et Dieu en est l’auteur. Il est nécessaire que l’une de ces deux propositions soit vraie, et pourtant elles sont également impossibles, l’une abolissant toute différence éthique, l’autre rendant Dieu responsable du mal. Spinoza, lui, écarte l’aporie, en montrant qu’elle est née d’une compréhension erronée du mal, celle qui consiste à considérer le mal comme quelque chose de positif.

Pour Spinoza, le mal n’existe pas en qualité de « quelque chose » ; il existe seulement comme privation. Ainsi le mal qui est dans la volonté d’Adam « n’est pas autre chose que la privation d’un état qu’à cause d’elle Adam a dû perdre ». Et cette privation n’appartient pas, en tant que prédicat négatif, à la teneur réelle de l’être auquel nous l’attribuons, ne relève pas de sa constitution intrinsèque ; elle lui est attribuée par un entendement humain qui substitue à la plénitude de la réalité ce que Bergson appellera le vide de son attente ou de son insatisfaction, un entendement qui connaît de l’étant, non ce qu’il est, mais ce qu’il était et n’est plus ou pourrait être. L’imputation d’une privation est donc le résultat d’une comparaison plus ou moins arbitraire d’un étant singulier avec la fiction de ce qu’il serait, s’il était resté identique à lui-même, ou bien s’il possédait toute la perfection du genre dont il relève. Dieu ne forme aucune fiction ; donc Dieu ne peut avoir l’idée d’une privation et du mal. En Dieu ou selon la vérité, le mal n’est rien.

Et cependant, là est le paradoxe de cette lettre XIX, la négation de la réalité du mal n’entraîne nullement l’extinction de toute différence éthique. Une pensée de la différence éthique est impliquée dans le passage de la servitude à la liberté. Le projet de cette étude est d’examiner cette situation, en soulignant trois points :

1/ Le mal, chez Spinoza, n’a de racine ni dans l’essence ni dans l’existence du mode fini ; il a lieu à la jointure de l’essence et de l’existence ; il est un certain mode d’articulation de l’essence et de l’existence : l’oubli de l’intériorité de l’essence dans l’extériorité de l’existence.

2/ Cet oubli, qui est l’existence malheureuse, la servitude, et son contraire, le salut, la liberté ont pour condition commune le double lien, l’identité et la différence de l’âme et du corps.

3/ Le seuil du salut est la compréhension de l’essence de l’être comme puissance d’agir.

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La philosophie pratique de Kant

Le cours de François-Xavier Chenet sur la philosophie pratique de Kant est téléchargeable en bas de cette page.

Il comprend une première partie sur la Métaphysique des moeurs et une seconde partie sur la Critique de la raison pratique. S’ajoutent à ce commentaire, des prolongements en Appendices : critiques intrinsèques et extrinsèques de la morale kantienne, mise au point sur le bonheur, difficultés relatives à la doctrine du souverain bien.

Le cours comprend en outre un développement d’une petite centaine de pages sur les critiques de la morale kantienne – reprise de l’appendice I – dans lequel François-Xavier Chenet cite et commente de nombreux textes de Bergson, Schopenhauer, Scheler et bien d’autres.

Ces annexes ne sont pas publiables dans l’immédiat. Nous devons préalablement en vérifier la conformité au droit d’auteur. Nous tenterons de mettre en ligne ultérieurement une version de ce document et invitons les collègues à nous signaler explicitement leur souhait de recevoir ce texte complémentaire.

Les personnes impliquées dans Philopsis travaillant bénévolement sur ce projet en marge de leurs activités professionnelles, nous ne sommes pas en mesure de préciser le délai nécessaire à l’établissement de ce second volet du cours.

Nous publions ci-dessous la précieuse bibliographie de François-Xavier Chenet figurant également à la fin du document pdf.

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Descartes Correspondance avec Elisabeth – Commentaire

Dans la correspondance entre Descartes et Élisabeth, les principes de la philosophie cartésienne rencontrent les interrogations et les objections d’une lectrice décidée à « lire – vivre où mènent les mots », animée par une confiance sans faille envers la fécondité pour l’existence de la pensée cartésienne, mais résolue à l’exigence cartésienne de parvenir à l’évidence, avant de donner son acquiescement. Nous assistons ainsi à une sorte de mise à l’épreuve des principes cartésiens, de leur cohérence intrinsèque et de leur pouvoir de fonder des règles pour la vie. La philosophie cartésienne est appréhendée dans sa dimension pratique, et reliée à la grande tradition de la sagesse grecque, pour laquelle l’enjeu de la philosophie est la qualité du vivre.

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Aristote Ethique à Nicomaque Livre X

Le titre traditionnel de l’Éthique à Nicomaque (éthika nikoma – sous entendu bibla) est : Livres de morale édités par Nicomaque . Ce titre n’est pas d’Aristote et il est peu probable qu’Aristote ait donné seulement un titre à son cours de morale. On ne doit pas oublier que les œuvres qui nous sont parvenues ont été laissées par Aristote sous la forme de notes, que ce sont des travaux ésotériques (à l’intérieur de l’Ecole) ou « acroamatiques » (destinées à l’enseignement oral) – les œuvres exotériques, elles, ayant été perdues comme souvent pour la philosophie antique dans les premiers siècles de l’ère chrétienne (De la philosophie, le Protreptique…) – et que donc l’ordre et l’unité des textes demeurent toujours problématiques. D’ailleurs quand Aristote fait référence à son enseignement moral (cf. Jaeger), il se réfère le plus souvent (à l’exception tardive du livre 4 de la Politique) à son premier cours, c’est-à-dire à l’Éthique à Eudème. En tois éthikois écrit toujours Aristote (cours de morale). On notera qu’il ne parle jamais de la morale, de la science morale (hè éthikè), même si l’on trouve l’expression d’« ètikè theôria» – science étant ici à entendre au sens large de sagesse. Et même s’il propose de distinguer entre science (épistèmè) pratique, poiétique et théorétique (Métaphysique, E, 1, 1025b3-28), il ne faut pas en conclure qu’Aristote pose les principes d’une science de la moralité. Cette « science pratique » a pour objet l’action humaine, « non pas l’action posée ou passée, mais l’action à poser (prakton), l’action à venir (esomenon), non pas l’action d’autrui, mais l’action que doit réaliser le sujet connaissant ».

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Pourquoi une fondation post-métaphysique de la raison pratique? Variations autour de l’éthique de la discussion

L’idée d’une fondation de la raison dans le domaine pratico-moral apparaît à plus d’un titre comme une entreprise à la fois exorbitante et vaine. Fonder, en l’espèce, cela voudrait dire trouver ce minimum universellement valable qui doit être ultimement présupposé pour qu’un acteur puisse être reconnu comme acteur moral et son action évaluée en conséquence. La première objection vient aussitôt à l’esprit : pour faire cela, il faut déjà présupposer qu’on peut se donner une définition universelle de ce qui permet de qualifier quelque chose de moral. Or, il est aisé de montrer que moral n’a pas le même sens partout, encore moins à toutes les époques, et pour parler comme Castoriadis, il faudrait dire qu’une telle définition relève de l’imaginaire instituant des sociétés, renvoie à un magma de significations imaginaires le plus souvent inaccessibles, sédimentées par l’histoire, incommensurables entre elles.(…) La raison pratique n’est peut-être alors qu’une valeur ajoutée de la tradition judéo-chrétienne, un produit historique de substitution créé pour suppléer au délitement des fondements théologiques et des principes transcendants de la morale.

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La rationalité pratique traditionnelle et moderne : Aristote, Thomas d’Aquin, Kant

Avant que la philosophie contemporaine ne réhabilite l’analyse de l’intentionnalité de l’acte moral, de l’agentivité, il pouvait sembler que le problème du rapport entre la décision et la délibération ne méritait pas d’être tiré de l’oubli. Plusieurs facteurs pouvaient expliquer le désintérêt relatif au sujet de ce genre de questions. D’abord, en réaction à l’idéalisme et au subjectivisme kantien, la sociologie française avait insisté sur l’aspect collectif de la morale, ce qui rendait marginale une interrogation sur les motivations de l’acte moral individuel, sur le processus à l’œuvre dans la décision. Ensuite la psychologisation de ce problème sous sa forme scolaire ne pouvait manquer de donner l’impression d’un débat un peu vain, ne méritant plus d’être évoqué si ce n’est en passant. Au fond, tout se passe comme si la décision était un produit immédiat que la délibération, cette opération artificielle, viendrait justifier a posteriori.