Dans le labyrinthe: nécessité, contingence et liberté chez Leibniz

C’est Leibniz lui-même qui a parlé de « labyrinthes à erreurs » à propos de deux problèmes philosophiques centraux : celui du continu et celui de la liberté. Du premier, on peut dire en suivant Vuillemin que, depuis la formulation des paradoxes de Zénon, il a dominé l’histoire de la philosophie théorique ; du second, qu’à travers une autre […]

Etude de philosophie leibnizienne

La nécessité a pu être figurée par la déesse Ananké. Mais quel est son statut plus concret ? La nécessité est de l’ordre des jugements sur les modes d’existence de quelque chose. En somme, si je constate que tel événement arrive, je vais dire : c’est le fait, c’est cela le cas, c’est réel. Si je pense, […]

Leibniz et le principe de raison. Enjeux théoriques et pratiques

Peu de doctrines philosophiques ont donné lieu à autant de discussions que celle du principe de raison suffisante chez Leibniz. Ce principe – qui est, selon le philosophe de Hanovre, d’une importance équivalente au principe de contradiction déjà mis en lumière par Aristote – affirme que rien dans notre monde ne peut se produire s’il ne se […]

Leibniz, dynamique et métaphysique

Comment penser à la fois la rationalité de l’univers et la consistance ontologique du singulier ? C’est là la question centrale de la philosophie de Leibniz. Avec les modernes, avec Descartes, Hobbes et Spinoza, il faut penser un monde de pleine actualité, un monde qui a pris congé de l’être en puissance, du potentiel, du […]

La philosophie de l’esprit de Leibniz

La philosophie de l’esprit de Leibniz peut être caractérisée tout à la fois comme traditionnelle, radicale et novatrice. Elle est traditionnelle lorsque l’on en énumère les principales thèses : l’esprit ou l’âme est une substance ; cette substance est immatérielle et immortelle ; elle est distincte du corps ; elle contient des idées et principes […]

Commentaire des Essais de Théodicée

Quelques mots, en introduction, sur la situation historique et spirituelle de l’Europe au moment de la publication des Essais de Théodicée.
Une Espagne déclinante, qui a dû concéder, par le Traité de Westphalie (1648, deux années après la naissance de Leibniz), l’indépendance des Sept Provinces-Unies (les Pays-Bas).
Une Grande-Bretagne en crise : exécution de Charles 1e en janvier 1649, puis époque de Cromwell, de la chute de la monarchie jusqu’à son rétablissement en 1661.
Une France déchirée par des deux Frondes, entre 1649 et 1653.
Un St Empire romain germanique mal organisé et mal délimité, groupant 360 Etats souverains, avec de nombreux affrontements politiques et religieux.
Une Europe divisée par la scission et les violences multiples qui ont suivi l’émergence de la Réforme.
Le point de départ de la Réforme est la protestation contre ce qui a été appelé le trafic des Indulgences : le moine augustin Martin Luther affiche le 31 octobre 1517 ses « 95 thèses sur la vertu des indulgences » à la porte de l’église de Wittenberg. Suit une violente riposte de l’Eglise : Luther est excommunié en janvier 1521 et mis au ban de l’Empire par l’édit de Worms en avril 1521. Malgré cela les idées de la Réforme se propagent rapidement en Allemagne et hors d’Allemagne.

Commentaire du Discours de Métaphysique de Leibniz

Leibniz n’avait pas intitulé son ouvrage, mais c’est sous cette appellation, devenue traditionnelle, qu’il en parle dans une lettre au Landgrave Ernest de Hesse-Rheinfels du 1 ou 11 (selon le calendrier grégorien déjà en usage en France, mais pas en Allemagne) février 1686.
Le terme de discours indique un propos suivi de nature didactique, qui ne se limite pas à l’exposition ordonnée des thèses principales du système leibnizien – comme dans ces deux abrégés tardifs (1714) que sont les Principes de la nature et de la grâce fondés en raison, et la Monadologie –, mais en détaille les raisons.
La métaphysique est à entendre ici en son sens précritique de « science du suprasensible », soit de ce qui existe au-delà de la nature sensible, ou n’est accessible qu’à une intellection à défaut de sensation.

Y a-t-il à se demander pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien?

Quelle est « la première question qu’on a le droit de faire » ? Ou plutôt, quelle est la première question qu’on a le droit de faire à partir du moment où l’on a posé « le grand principe, peu employé communément, qui porte que rien ne se fait sans raison suffisante» ? Si l’on en croit l’auteur que nous venons de citer, c’est-à-dire Leibniz, cette question est la suivante : « Pourquoi il y a plutôt quelque chose que rien ? » Notre auteur qualifie cette question de « métaphysique » pour désigner le fait qu’elle consiste à «s’élever » au-dessus de la physique : la soif d’explication qui anime la recherche des physiciens débouche sur une question à laquelle la physique est par définition incapable de répondre. Leibniz parle ici de « droit » de poser cette question, et non de devoir ; il ne présente explicitement la question que comme légitime, non comme obligatoire. Cependant, ce qui la rend légitime à ses yeux est qu’elle découle logiquement du «principe » selon lequel « rien ne se fait sans raison suffisante ». Or, face à un principe digne de ce nom, la raison n’a pas d’autre attitude légitime que de s’y soumettre : ne pas reconnaître une loi de la raison serait se renier. C’est donc parce que la question est logiquement obligatoire qu’elle est légitime.

L’espace et le temps chez Leibniz

Il n’y a point d’exposition canonique, continue ou exhaustive, chez Leibniz, de l’espace et du temps mais des notes dispersées dans certaines correspondances (à de Volder, à des Bosses, avec Clarke), des dialogues comme les Entretiens de Philarète et d’Ariste ou les Nouveaux Essais. Au travers de ce corpus la question de l’espace semble nettement privilégiée, le temps n’étant souvent traité que par analogie. Or cela se tourne assez aisément en paradoxe : en effet, l’espace, avec ses traits extensifs et quantitatifs, ne paraît concerner que les phénomènes et non les êtres, selon Leibniz ; dans la vérité ontologique des choses, il n’est donné que des monades, des substances douées de spontanéité interne, d’une force primitive qui détermine une tendance permanente au changement, de sorte que le successif de ces changements développe en série la loi qui fait l’individualité même de cette monade. Cette force, inscrite en chaque monade au temps de la création et par laquelle elle devient susceptible d’exprimer tous les prédicats contenus en l’entendement divin dans sa notion complète, est une pure virtualité interne : la monade est sans porte ni fenêtre, elle développe à partir de soi et sans aucun rapport à ce qui pourra se nommer une détermination d’extériorité. Il n’est rien de spatial dans les êtres, mais le temps semble en revanche s’y inscrire intimement, comme par une bénédiction divine qui convertit en puissance singulière d’auto-développement la diversité infinie de la notion complète.

Le panpsychisme leibnizien

Leibniz est un génie universel, qui contribua aux mathématiques, à la logique, au droit, à l’histoire, à la linguistique, à la science et à la technologie de façon telle qu’à chaque fois son nom mérita de garder une place importante dans l’histoire. C’est en philosophie pourtant que son apport est le plus décisif. Son système a été très vite reconnu comme l’une des constructions majeures de l’histoire de la métaphysique et il n’a cessé d’être commenté et discuté. Au XIXe siècle, la philosophie de Lotze l’a renouvelé en un sens, contre le kantisme et l’hégélianisme. Et, encore en notre siècle, il a suscité l’intérêt des penseurs les plus éminents : on peut citer parmi d’autres B. Russell, M. Heidegger, Ortega y Gasset, Lovéjoy, ou, en France, G. Deleuze et M. Serres.

La philosophie qu’il a proposée est à double titre une philosophie de l’harmonie : harmonie qu’elle affirme du monde, et harmonie qu’elle tente de réaliser parmi les philosophes.