Les philosophes sont-ils plus intéressants que leur philosophie?

C’est une constante de la réflexion nietzschéenne que la dévalorisation de la critique. Proclamation qui, pour être récurrente, ne laissera pas d’intriguer le lecteur puisqu’il n’est pourtant guère de philosophe qui ne se trouve mis en accusation, et guère de doctrine philosophique qui ne soit réfutée par l’auteur de Par-delà bien et mal. Au point que c’est l’idée même de philosophie qui menace de s’effondrer sous les coups répétés de ce penseur qui n’en soutient pas moins simultanément qu’il est un affirmateur. Descartes : un penseur superficiel ; Spinoza : supercherie ; Kant : un tartufe, voire pire : « le plus contrefait des estropiés du concept » ; et la déclaration même, précoce, par laquelle Nietzsche définit sa pensée comme un « platonisme inversé » n’indiquerait-elle pas finalement que c’est bien malgré tout un geste critique qui commande l’élaboration de son questionnement ? A moins qu’elle ne veuille signifier, Platon jouant alors comme paradigme de la philosophie tout entière, la mise à l’écart définitive de celle-ci ? Que reste-t-il en effet chez Nietzsche du projet philosophique ?

La conception spéculative de la vérité selon Hegel: organicité, systématicité, historicité

Au XXe siècle Martial Gueroult a été un des rares à réfléchir à sa pratique d’historien de la philosophie, à penser au sens de la démarche qui consiste à reconstruire une philosophie, à en dégager la vérité sous forme d’une possibilité de pensée réalisée dans un système particulier. Gueroult souhaitait publier ses réflexions dans un ouvrage en deux parties intitulé Dianoématique, dont la deuxième partie a été publiée avant la première. La première partie de la Dianoématique s’intitule Histoire de l’histoire de la philosophie ; la deuxième partie, Philosophie de l’histoire de la philosophie, contient les bases théoriques des conditions transcendantales d’une histoire de la philosophie. En raison de la méfiance du grand historien à l’égard de l’idéalisme hégélien accusé de prendre des libertés à l’égard de la réalité, on comprend l’articulation de l’ensemble où la partie historique précède la partie réflexive sur l’histoire. On peut parler ici d’une métaphilosophie (philosophie… de la philosophie) si par là on entend une analyse des conditions de possibilité de l’histoire de la philosophie qui devient condition de la philosophie elle-même et de la légitimité de ses opérations discursives ayant pour objet de produire une connaissance vraie. Cette métaphilosophie présuppose une historicité de la pensée, qu’il s’agit de convertir en nécessité idéelle sans abolir la contingence initiale. La philosophie de (l’histoire de) la philosophie part des philosophies qui se sont effectivement produites dans l’histoire afin de régresser aux conditions de toute philosophie.

Commentaire des Fondements de la métaphysique des mœurs

« Fondements » pour Grundlegung : le singulier allemand renvoie à l’opération logique qui fait l’objet de la recherche, le pluriel français au résultat de celle-ci, en laissant entendre que ce dont il est question – les « mœurs (Sitten) » – ne repose pas sur un fondement unique. Pourtant, vers la fin de la Préface, Kant présente son œuvre comme « la recherche et l’établissement du principe suprême de la moralité (Aufsuchung und Festsetzung des obersten Prinzips der Moralität) ».
Fondement veut dire : principe, c’est-à-dire raison ultime.
D’où l’usage du terme métaphysique, dont l’usage par Kant, en 1785, peut surprendre eu égard à la critique dont la métaphysique précritique a fait l’objet dans la Critique de la Raison pure.
Cet usage se comprend en fonction de la première définition, par Aristote, de ce qui s’est appelé ensuite métaphysique : « science des premiers principes et des premières causes ».
Le résultat de la critique de la raison théorique a été une réduction du champ d’application de cette notion. Il ne peut plus être question pour Kant d’une science des premières causes, c’est-à-dire, au bout du compte, de la cause première identifiée au principe divin de l’univers : celui-ci ne peut plus être l’objet d’un « savoir (Wissen) », mais seulement d’une « foi (Glauben) », sous la forme d’un « postulat de la raison pratique », qui ne sera d’ailleurs présenté comme tel que dans la seconde Critique, en 1787.

L’animalité de l’homme selon Platon

Dans un texte célèbre du Politique, l’Etranger reprend le jeune Socrate sur sa façon maladroite de procéder à une dichotomie à propos de l’élevage des troupeaux……

Platon mode d’emploi : écriture et philosophie dans le Phèdre

L’évaluation de l’écriture à la fin du Phèdre de Platon s’ouvre sur un mythe célèbre. Il rapporte que l’écriture est un art (technè) inventé par un certain Theuth…

Les traits fondamentaux de l’éthique aristotélicienne

Du Corpus Aristoteleum, trois œuvres éthiques nous sont parvenues : celle que l’on nomme Éthique à Eudème et qui porte probablement ce nom d’après l’élève d’Aristote Eudème de Rhodes qui l’a peut-être copiée et rédigée, et ainsi transmise ; ensuite l’Éthique à Nicomaque qui doit vraisemblablement son nom au fils d’Aristote, Nicomaque ; et enfin les Magna Moralia qui, au dire d’Albert le Grand, ne doivent pas s’appeler ainsi parce qu’elles seraient particulièrement volumineuses, mais plutôt en raison de la diversité de ce qui y est traité.
Parmi ces trois éthiques aristotéliciennes au sens large, il est depuis longtemps reconnu que l’Éthique à Nicomaque, qui est la première éthique de la philosophie occidentale thématiquement élaborée comme telle et qui s’est imposée depuis lors comme mesure, prévaut sur les deux autres œuvres éthiques de par son authenticité, l’unité d’ensemble de l’édifice, la rigueur et la fraîcheur de sa pensée, la force et la vivacité de la langue. C’est pourquoi, dans les brèves indications qui suivent, nous nous en tenons à elle, d’autant plus que du point de vue de la tradition historique de la philosophie, c’est elle qui eut l’impact le plus large, tandis que les deux autres éthiques, au contraire, furent pendant longtemps considérées comme non-aristotéliciennes, c’est-à-dire soit comme provenant de compilations plus tardives, soit comme n’étant tout simplement pas d’Aristote. En ce qui concerne les Magna Moralia, cela vaut encore aujourd’hui, et ce à bon droit, malgré la tentative de H. von Arnim d’en établir l’authenticité, tandis que pour la première fois, depuis une époque toute récente, il a été prouvé par W. Jaeger que l’Éthique à Eudème serait vraisemblablement une œuvre de jeunesse d’Aristote. Mais même en mettant de côté la discussion plutôt philologico-historique de l’authenticité, il reste à établir qu’au regard de la position initiale de la question éthique et des traits fondamentaux de son élaboration, les deux éthiques ainsi finalement nommées, n’apportent rien d’essentiellement nouveau ou autre par rapport à l’Éthique à Nicomaque, et sont même en retrait par rapport à celle-ci qui les devance sur bien des points.

L’obligation morale: le débat de Bergson avec Kant

https://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2001-4-page-439.htm

Etre soi-même: Heidegger et l’obsession de l’identité

https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1996_num_94_1_6974

Ressentiment et valeurs morales: Max Scheler critique de Nietzsche

https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=rtp-003:1996:46::472