« Auch eine Philosophie der Geschichte zur Bildung der Mens- chheit, Beytrag zu vielen Beyträgen des Jahrhunderts » : le titre de l’œuvre de Herder en 1774 se caractérise par une certaine redondance. « Auch… » encore une philosophie de l’histoire, comme si au XVIIIème il n’y avait pas déjà pléthore de philosophèmes sur l’histoire devenue un thème à la mode, en France, en Allemagne ou en Angleterre. « Beytrag zu vielen Beyträgen » : cette contribution à de nombreuses contributions existantes donne l’impression de faire nombre avec elles, de se fondre dans la masse. Entre le titre et le sous-titre Herder parle de la Bildung der Menschheit, expression fondamentale qui sera au cœur de la nouvelle anthropologie philo- sophique au début du XIXe siècle en Allemagne. Ce concept de Bildung est essentiel car il permet de comprendre, chez Herder, ce qui explique le passage à une philosophie de l’histoire.
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2010/05/vignette-philo-histoire.gif214134Giassi Laurenthttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngGiassi Laurent2010-05-17 22:32:572021-10-30 16:52:24La philosophie de l’histoire selon Herder en 1774
« Le positivisme se compose essentiellement d’une philosophie et d’une politique, qui sont nécessairement inséparables, comme constituant l’une la base, l’autre le but d’un même système universel, où l’intelligence et la sociabilité se trouvent intimement combinées ».
Cette déclaration, qui ouvre le Discours sur l’ensemble du positivisme, pose problème parce qu’elle omet d’évoquer la morale, laquelle, on l’apprend dès les premières lignes de la première partie, doit prendre place entre la philosophie et la politique. Mais c’est justement par cet oubli que l’affirmation d’ouverture est symptomatique de ce qui se joue dans le Discours : la morale, qui n’est pas encore la septième science de l’encyclopédie, comme ce sera le cas à partir du second tome du Système de politique positive, va venir s’insérer de manière encore assez obscure et indéfinie, entre la philosophie et la politique, et envahir le Discours qu’elle organisera de manière sourde, dans son ensemble et dans son détail. Ainsi le Discours n’est pas seulement le lieu d’émergence de la religion positive – qui apparaît dans la conclusion. Il correspond à ce moment de la carrière de Comte où la réflexion morale, dans un sens qu’il nous incombera de définir, prend le pas sur toute autre perspective.
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2021/10/Auguste_Comte-e1635611577943.jpg911645Clauzade Laurenthttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngClauzade Laurent2010-05-16 11:39:152021-11-25 09:01:15La morale dans le Discours sur l’ensemble du positivisme
La question de la justice chez Marx est prise dans deux types de problèmes interprétatifs. Le premier aspect du problème concerne de la normativité morale chez Marx. Nombreux sont les commentateurs qui considèrent que l’oeuvre marxienne manque de la théorie de la justice que présuppose son projet de transformation de la société. Deux types de démarche sont alors possibles : la première, qui s’est développée principalement dans le cadre de l’École de Francfort, consiste à développer une éthique susceptible de relever le défi de la critique marxienne de la morale ; la seconde, qui s’est développée principalement sous l’impulsion du marxisme analytique, juge la critique marxienne de la morale incohérente et s’efforce d’expliciter l’éthique, la morale et la théorie de la justice que les analyses de Marx présupposent. Le second aspect du problème concerne la critique du Droit qui, prend chez Marx de nombreuses formes dont certaines conduisent à des références explicites à la question de la justice.
Quelle est donc la fonction de la justice chez Marx ? On verra que les réponses ne sont pas forcément convergentes suivant que l’on considère l’un ou l’autre des aspects du problème.
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/11/Karl-Marx-philopsis-e1605691333979.jpg786691Renault Emmanuelhttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngRenault Emmanuel2010-04-16 00:44:482021-10-27 17:34:27La justice entre critique du droit et critique de la morale
Cézanne a souvent exprimé les difficultés, les tourments accompa-gnant son travail de peintre, comme le rappellent les premières lignes du texte. En outre son œuvre a commencé par surprendre, choquer, susciter des critiques très négatives. Cette réception négative, ces difficultés ont conduit Cézanne, ses amis, ses contemporains à s’interroger sur le sens de son effort et la valeur du résultat.
Deux manières se sont présentées de rendre compte de l’originalité de cette œuvre et de ce qui a pu, à une certaine époque, passer pour son « échec ». L’originalité, l’échec seraient dus : – soit aux aléas de la vie, une maladie, une constitution schizoïde – hypothèse qui est, selon Merleau-Ponty, vaine plutôt que fausse car si elle fait connaître quelque chose de l’œuvre (ce que Merleau-Ponty n’exclut pas), elle n’en fait pas connaître « le sens positif » – soit au « paradoxe » du projet pictural : « rechercher la réalité sans quitter la sensation » ou, selon E. Bernard (qui fait de ce paradoxe une contradiction destructrice), viser la réalité en s’interdisant les moyens de l’atteindre.
Merleau-Ponty va travailler, critiquer ces deux manières de comprendre la peinture de Cézanne, dans l’ordre inverse où il les a présentées : il s’explique d’abord avec l’affirmation selon laquelle il y aurait une contradic-tion dans le projet pictural puis il traite du rapport entre l’œuvre et la vie. Cette seconde partie commence par : « Ainsi les “hérédités”, les “influences”, – les accidents de Cézanne – sont le texte que la nature et l’histoire lui ont donné pour sa part à déchiffrer… ».
Je ne commenterai pas cette seconde partie où il est moins question de Cézanne que de Léonard de Vinci (et de lecture freudienne de l’œuvre d’art), je travaillerai surtout autour du « paradoxe » de l’œuvre de Cézanne, tout en revenant, à la fin, sur le rapport entre les difficultés de l’œuvre et les nœuds de la vie.
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/12/merleau_ponty-philopsis-e1608719395415.jpg374320Pascal Dupondhttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngPascal Dupond2010-02-14 18:55:002021-10-21 17:15:09Le doute de Cézanne. Réflexions sur le paradoxe de l’œuvre de culture
Nous signalons et mettons à disposition ici avec l’accord de l’auteur, un article publié dans la revue L’Ouvert (n°109, 2004), disponible sur le site de L’IREM de strasbourg : Cliquez ici pour vous rendre sur le site de l’IREM
D’après la définition traditionnelle, la vérité est « la conformité de la pensée avec l’objet » (Descartes à Mersenne, lettre du 16 octobre 1639) ; elle « consiste dans l’accord de la connaissance avec l’objet » (Kant, Logique, Introduction, VII). Cette définition viendrait d’Aristote, Métaphysique Δ, 29 et Θ, 10, et dans la terminologie scolastique on parle d’« adaequatio ». Dans une terminologie plus commune on parle d’exactitude : un jugement, une représentation sont vrais s’ils sont exacts. Par exemple, « il pleut » est vrai s’il est exact qu’il pleut, c’est-à-dire si l’on peut vérifier et constater qu’il en est bien ainsi. Si l’on s’en tient à cette définition traditionnelle, la logique devrait éliminer toute considération de la vérité. La logique concerne en effet « l’entendement abstraction faite de la diversité des objets auxquels il peut être appliqué » (Kant, Critique de la raison pure, 2ème partie, Introduction). C’est ce qui fait dire que la logique est formelle. En effet, il n’y est pas question de jugements ou de raisonnements qu’il faudrait vérifier pour en établir l’exactitude en s’assurant qu’ils sont bien conformes à des faits que l’on peut constater. La logique ne s’intéresserait pas au contenu des propositions ; elle ne s’intéresserait donc pas à la question de savoir si ce qu’elles disent est vrai. Aristote semble bien avoir procédé de cette façon lorsqu’il a présenté dans les Premiers Analytiques « l’art syllogistique » de lier déductivement des propositions et de tirer des conclusions. Il le présente en effet comme un art mis en oeuvre dans tout discours quelle que soit la nature des choses sur lesquelles on raisonne. A ce titre, l’Analytique n’est la « science d’aucun objet déterminé, c’est pourquoi elle se rapporte à toute chose ». Elle fait abstraction, dans le discours, de ce que l’on dit pour ne retenir que les formes et les modes des énonciations en tant que telles. Lorsque, par exemple, nous parlons de Socrate pour dire qu’il est mortel, le logicien s’empresse d’éliminer le contenu de la proposition en substituant des lettres aux mots pour ne retenir que la forme attributive S est P, de sorte que pour lui, la question n’est pas de savoir s’il est vrai ou non que Socrate est mortel mais de savoir comment une proposition de cette forme peut être correctement déduite d’une autre proposition, c’est-à-dire « par un raisonnement qui conclut par la forme de la forme », comme disait Leibniz (Nouveaux Essais, IV, 17).
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/11/Gottfried-Wilhelm-Leibniz-philopsis-e1604505131835.jpg479407Chauve Alainhttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngChauve Alain2010-01-24 13:36:232025-05-04 06:05:46La logique et la vérité
Les bouleversements conceptuels introduits dans les sciences de la nature, depuis la révolution opérée au dix-septième siècle, pourraient fort bien se mesurer à l’aune d’une incertitude radicale : à la base des concepts et théories scientifiques, il y a désormais des indécisions. Ainsi, que l’espace soit absolu (Newton) ou relatif (Leibniz), cela n’empêche pas la mécanique d’être newtonienne ; il en va de même pour le temps. Par-delà ce couple de l’absolu et du relatif, on pourrait poursuivre les exemples et voir que les sciences exactes ont progressé tout en multipliant les indécisions, comme celles qui portent sur le continu et le discontinu, le fini et l’infini, le local et le global, etc. Ces indécisions ont la particularité de n’être pas préjudiciables au contenu et au développement des théories proprement dites ; elles relèvent des « fondements ». Tel est l’un des plus intrigants parmi les paradoxes de la science moderne, que le progrès de cette science conduit petit à petit à une dissociation entre son fondement et son contenu, comme si la science n’avait de compte à rendre qu’à elle-même. Indifférente à son origine, la science se soucie seulement de son but, qui est de trouver l’unité entre toutes les lois de la nature. Ainsi Newton, vers la fin de la préface de ses Principes mathématiques de la philosophie naturelle, affirmait-il que la synthèse conceptuelle effectuée en mécanique pour intégrer les phénomènes d’attraction et de gravitation pourrait peut-être, suivant un schéma identique, s’étendre à l’avenir à d’autres ordres de phénomènes.
Toutefois la progression vers l’unité des lois n’a rien de calme. Réfléchissant sur les leçons à tirer des développements révolutionnaires de la physique au vingtième siècle, le grand physicien Werner Heisenberg a montré que les modèles conceptuels de solution définitive n’existent que pour des domaines d’expérience limités ; une grande erreur de la physique moderne aura justement été de croire que le modèle fourni par la mécanique newtonienne pouvait s’appliquer à tous les domaines, comme celui de l’expérience sub-atomique. Nostalgique d’une réflexion sur les fondements, la philosophie peut même pousser un cri d’alarme, qui avait déjà été émis en son temps par Hegel. Selon Hegel, tout le mouvement d’idées vers la loi unique de la nature est un mouvement d’appauvrissement. Supposons en effet que la vérité réside dans l’unité universelle considérée en elle-même. La loi newtonienne de la gravitation universelle résulte de la coïncidence de deux lois déterminées : la loi de la chute des corps (Galilée) et les lois empiriques du mouvement planétaire (Kepler). Mais au lieu de comprendre l’unité de ces deux lois déterminées, dans la soi-disant unité supérieure chacune perd sa déterminabilité propre. Au lieu d’exprimer les deux lois simultanément, la loi unique de gravitation universelle se place au-dessus de chacune d’elles, de sorte que son vrai contenu (qui est le phénomène ou la chose sensible) n’est pas différent de sa forme. La loi supérieure d’unification ne procure tout au plus qu’un concept de la loi, un concept qui cependant a la particularité de passer auprès de l’esprit scientifique comme l’être lui-même. Il faudrait trouver une puissance cognitive qui tourne le concept de la loi contre la loi, à défaut de quoi la soi-disant unité supérieure n’indiquera jamais qu’un appauvrissement vis-à-vis du vrai contenu de la nature. Tant qu’elle s’en tient à son projet de connaissance de la chose sensible, la science se détourne en fait de son but, au moment même où elle croit s’en approcher…
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2021/01/Werner-Heisenberg-philopsis-e1609757169318.jpg465370Kerszberg Pierrehttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngKerszberg Pierre2010-01-13 18:24:462025-05-02 09:34:09Perspectives critiques sur le concept scientifique de nature
Lorsque Malraux entreprend d’écrire sur Goya (Saturne), comme lorsqu’il entreprend d’écrire sur Picasso (La Tête d’obsidienne), il est confronté à l’une des apories majeures de la réflexion sur l’art : comment analyser une œuvre dans son enracinement à la fois historique et psychologique sans pour autant réduire cette œuvre à ces données qui demeurent, comme telles, incapables de rendre compte d’une création ? C’est donc bien, d’un point de vue thématique, le statut de la création artistique qui est en jeu, et c’est, d’un même mouvement, la méthode même de Malraux qui est à l’œuvre. L’étude de Saturne se révèle donc doublement riche d’enseignements : d’un point de vue doctrinal d’abord, puisque c’est toute la conception malrucienne de la création artistique qui est ici esquissée (avec une précision qui permet d’entrevoir les grandes synthèses ultérieures), d’un point de vue méthodologique ensuite, puisque c’est le projet malrucien d’une biographie d’artiste qui s’expose ainsi d’une manière remarquable.
Le livre est contemporain, dans sa première version (publiée en 1950 sous le titre : Saturne), des Voix du silence (1951) – et notamment de la troisième partie, , d’abord parue dans la Psychologie de l’art en 1948. On se permettra donc de renvoyer à ce texte fondamental pour éclairer certaines analyses de Malraux, et mettre ainsi en évidence l’unité de la pensée malrucienne de l’art.
On commencera par un bref commentaire de la note liminaire écrite en 1975, vingt-cinq ans après la première édition, puis on s’efforcera de dégager la structure du livre dans ses moments extrêmes : d’abord le premier chapitre (Préliminaires), puis le dernier chapitre dans lequel Goya apparaît comme le précurseur immédiat de la peinture moderne, avec une double référence à Manet et à Picasso. Entre ces deux extrêmes, la gravure apparaîtra comme une médiation essentielle. On sait en effet que, même d’un point de vue purement quantitatif, la relation peinture/gravure s’inverse entre première et la dernière période de la vie de Goya : si cette relation est, au début, de un cinquième au profit de la peinture, elle sera, à la fin, de un cinquième au profit de la gravure. Le premier paradoxe dont il faudra rendre compte, c’est que cette prévalence de la gravure annonce la peinture moderne. Mais un paradoxe plus fondamental encore traverse Saturne : c’est que si toute l’œuvre de Goya annonce la peinture moderne, elle n’en demeure pas moins reliée à l’art le plus archaïque, au sacré. Cette permanence du surnaturel au sein même d’une œuvre qui annonce l’intemporel ne doit pas seulement nous permettre de mieux comprendre Goya : elle nous livre un accès privilégié à une plus juste appréhension de l’intemporel lui-même.
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/11/Andre-Malraux-philopsis-e1606495943312.jpg236154Zarader Jean-Pierrehttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngZarader Jean-Pierre2010-01-13 13:11:462020-11-27 16:55:09Malraux et Goya : Saturne, le destin, l’art et Goya
Il y a une actualité philosophique de l’esthétique. Mais les débats sur les questions esthétiques paraissent partagés entre un renouveau de l’esthétique par la philosophie analytique – dont la sobriété argumentative, la clarté des thèses plaident, selon ses auteurs et ses défenseurs, en faveur de son « sérieux scientifique », à la fois contre l’éloquence d’une certaine tradition phénoménologique et contre l’adhésion quasi-religieuse à l’art par les désenchantés de la politique et les « célibataires » de la métaphysique – et une réactivation du sens de l’esthétique qui, dépassant le point de vue descriptif, s’attache à ce qu’il y a de négatif ou d’irréductible dans l’expérience de la beauté et de l’œuvre d’art.
C’est sans doute au contact de l’art du XXè s., que l’esthétique philosophique a regagné en vitalité, que ce soit pour assumer, critiquer le projet de la modernité, ou plus modestement, pour appliquer à l’art la rigueur d’une analyse logique du langage. L’esthétique est en question dans la philosophie parce qu’il en est question dans l’art. A l’origine de ce qui pourrait apparaître, si l’on jugeait trop vite, comme une crise ou une déroute de l’esthétique, il y aurait le geste ironique opéré par le ready made de Duchamp : celui de présenter en tant qu’art un objet trivial, choisi précisément pour son indifférence esthétique , qui désamorce toute possibilité de discerner l’œuvre de l’objet réel. De ce que l’art n’est plus affaire d’expression et de représentation, ce serait conclure bien vite que de proclamer la mort de l’esthétique. Il s’agit bien plutôt d’en réviser les conditions et le sens aujourd’hui. Si l’art se produit comme sa propre mise en question (l’art en tant que question de l’art), l’esthétique ne peut plus aveuglément célébrer l’œuvre et la beauté, ni affirmer la présence souveraine d’un contenu de vérité.
Faut-il dire aborder l’esthétique sur le mode de la nostalgie, devant la perte des évidences, ou tout simplement lui dire « adieu », renoncer sinon à l’approche esthétique de l’art, du moins aux questions et aux concepts de l’esthétique traditionnelle ? Toute décision engage la construction de ce que signifie le terme d’esthétique. Au bout du compte, n’est-ce pas l’esthétique qui est inappropriable et qui dépasse les limites de son concept ?
L’art est la provenance de l’œuvre, l’œuvre est l’ouvrage de l’art. Que serait une œuvre qui ne serait pas le produit de l’art, et que serait l’art, ou un art, qui ne produirait pas d’œuvres ? L’art et l’œuvre existent l’un par l’autre. L’œuvre manifeste l’art, l’art est la condition nécessaire de l’œuvre. Voilà qui est incontestable. Mais pour autant l’art est-il la condition suffisante de l’œuvre ? Une œuvre, pour prétendre au statut artistique, ne doit-elle pas en outre répondre à certains critères esthétiques, consister en un objet esthétique, ce qui tendrait à suggérer que l’art ne peut se réduire à une simple activité productrice, mais qu’il est aussi une activité normée par des valeurs ? L’art ne peut produire que des œuvres mais non pas nécessairement des œuvres de qualité. Parler d’œuvre d’art ne va donc pas de soi. C’est une expression composée, et il s’agit moins d’une notion que d’un jugement, qui peut s’entendre en deux sens : œuvre faite avec art – l’art est la manière de l’œuvre, et l’on confond sous une même expression un concept descriptif et une évaluation – ou œuvre faite à partir de l’art – l’art est l’origine de l’œuvre. Le concept d’œuvre d’art est donc problématique en lui-même et c’est bien ce que notre sujet formule, à sa façon, sous la forme d’un paradoxe : l’art donne-t-il lieu nécessairement à des œuvres ?
L’expression verbale “donner lieu” est ambiguë, à dessein semble-t-il. Elle assume le présupposé qui constitue la notion d’œuvre d’art. Elle donne à penser à la fois que l’art est le lieu d’où l’œuvre est tirée, que c’est à partir de lui qu’elle existe effectivement, qu’il n’y a pas d’œuvre sans art, mais qu’aussi bien l’œuvre est le lieu où l’art vient à lui-même, où il se réalise comme chose dans le monde. L’œuvre provient de l’art mais l’art a en vue l’œuvre comme l’événement par lequel il advient à son essence. Ce qui “a lieu” dans l’œuvre d’art n’est rien d’autre qu’un échange d’effectivité entre l’art et l’œuvre. L’œuvre d’art est le lieu même de cet échange.
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/12/violoniste-fenêtre-Matisse-philopsis-scaled-e1607277356803.jpg1176924Cournarie Laurenthttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngCournarie Laurent2009-12-28 23:15:172021-10-31 14:10:54L’art donne-t-il nécessairement lieu à des œuvres ?
Ce travail n’a aucune prétention d’exhaustivité. Il entend simplement élaborer la question philosophique de l’art à travers un parcours bibliographique, en s’efforçant d’articuler la philosophie à l’histoire de l’art et à l’horizon, pratique et théorique, du fait social de l’art aujourd’hui.
Si la question «qu’est-ce que l’art ?» constitue l’objet formel de toute réflexion philosophique sur l’art, elle contient aussi tous les problèmes d’une philosophie de l’art. A quelles conditions l’art peut-il devenir l’objet d’un discours conceptuel ? Toute théorie philosophique sur l’art prend-elle nécessairement la forme de la philosophie de l’art, telle qu’elle a été initiée par Platon, en soumettant l’art au problème de la vérité (L’art en vérité) ? A moins que l’esthétique ne représente l’alternative à toute philosophie de l’art, en affranchissant l’art de ce rapport à la vérité qui lui est extérieur (L’esthétique ou l’autonomie de l’art et de la philosophie de l’art), fondant son autonomie sur un double processus de subjectivisation (création/réception de l’œuvre). Finalement l’œuvre d’art constituerait l’occasion d’un autre rapport au monde, qui laisse advenir pour elle-même la manifestation sensible de l’être (la vérité «phénoménologique» de l’art). Pourtant ne faut-il pas traiter comme deux questions distinctes, la question de l’identité de l’art ou de l’œuvre d’art (jugement logique) et celle de la valeur de la beauté ou de l’objet esthétique ? La «dé-définition de l’art» ou l’incertitude de la relation esthétique introduits par l’art moderne et contemporain, obligent peut-être à suivre l’esthétique analytique dans cette voie (Définir l’art : la différence de l’esthétique analytique).
Mais n’est-il pas erroné de parler de l’art en général ? Car le problème d’une philosophie de l’art serait moins son opposition à l’altérité de l’art, que la prise en compte de la diversité factuelle des arts. Or si les beaux-arts sont irréductibles aux arts techniques (La différence artistique) et tous les arts aux beaux-arts, comment envisager un système des arts, sans privilégier une expression artistique sur les autres, hiérarchiser arbitrairement entre arts majeurs et arts mineurs (Système de l’art, classification des arts : arts majeurs, arts mineurs) et reconduire la mépris «esthétique», contradictoire avec la pratique sociale, des arts appliqués (Les arts appliqués) ? L’histoire moderne de l’art en tant qu’elle affirme les droits de l’objet contre la justification esthétique de sa simple représentation, soit que l’art s’approprie l’objet, même le plus vil et le plus provoquant (Ready-made), soit que l’objet rencontre l’art et devienne, par là, pleinement signifiant (Design), disqualifie toute espèce de systématisation et de classification. L’art ne peut être réservé à la seule création artistique : l’innovation en matière d’espaces, de formes, d’objets ou d’images, qui informent toute la vie de l’individu, demande à être reconnue comme une forme authentique de créativité et implique, en retour, l’art dans le procès effectif de la production et de la consommation…
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