Publications par Pascal Dupond

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Sur quelques moments de la pensée du monde

I. Comment dire le monde ? Le double logos cosmo-logique du Timée
II. Cosmos et sumpatheai dans la pensée stoïcienne
III. Les apories relatives à l’origine du monde : les difficultés du créationnisme chez St Augustin
IV. Les antinomies de la cosmologie rationnelle et la lecture heideggérienne de l’«Antinomie de la raison pure »
V. L’être-au-monde perceptif selon Merleau-Ponty
VI. Une esquisse de cosmologie philosophique : matière, vie, esprit selon Hans Jonas

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Quelques remarques à propos de l’Enquête sur l’entendement humain

Le titre de la première section n’annonce pas une spécification de la philosophie selon ses différentes branches ou ses différents objets (physique, logique, éthique), ni non plus selon ses fins : divertissements (salons), instruction (école), réforme (politique) mais selon les différentes manières de pratiquer la philosophie : philosophie facile versus philosophie abstruse, entre lesquelles Hume fait passer la voie empiriste qu’il préconise.

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Variations sur l’existence

Le mot et le concept d’existence sont apparus dans la langue et la conscience philosophiques pour exprimer le sens verbal du mot être, pour réactiver la différence entre le sens verbal et le sens nominal du mot être . Au sens verbal, être = einai = esse, le fait même qu’une chose soit. Au sens nominal, être = un être, un étant, on, ens, l’une quelconque des choses sont on dit qu’elles sont.

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Merleau-Ponty, un philosophe réaliste ?

Dans son travail philosophique, Merleau-Ponty a tenté de dépasser ce qu’il appelle les «bifurcations » de la pensée métaphysique, en particulier la bifurcation de l’idéalisme et du réalisme. Il refuse d’avoir à choisir entre le réalisme et l’idéalisme. Mais puisque j’ai aujourd’hui le plaisir d’être invité par des philosophes qui défendent les droits d’une philosophie réaliste, je vais souligner les raisons que Merleau-Ponty nous donne d’abandonner l’idéalisme, ou un certain idéalisme, tel qu’il le voyait en particulier se développer chez Kant, ou dans une certaine lecture de Kant (celle de Lachièze-Rey) et chez Husserl.
Cette critique de l’idéalisme est, en un certain sens, un chemin vers le réalisme et c’est sous ce jour que je voudrais présenter l’itinéraire philosophique de Merleau-Ponty.

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Souveraineté de l’Etat ou souveraineté du peuple?

L’Etat désigne une structure du vivre-ensemble dont la nature est indivisiblement historique et rationnelle.
Historique d’abord au sens où l’Etat, ou plus précisément l’Etat moderne, la forme moderne de la condition politique, a une origine qui peut être plus ou moins approximativement repérée par l’apparition du terme même d’Etat. L’Etat moderne, écrit Lucien Fèvre, est « un organisme qui aux hommes du 16e siècle apparut assez neuf pour qu’ils sentissent le besoin de le doter d’un nom, que les peuples de la même époque se repassèrent aussitôt l’un à l’autre » (Encyclopédie française, article « L’Etat »). Il faut en effet attendre la Renaissance pour que le terme Etat, orthographié avec une majuscule, prenne le sens politique que nous lui donnons aujourd’hui et qui appartenait jusqu’alors à des termes tels que polis, civitas ou res publica. Machiavel écrit au début du Prince : « Tous les Etats, toutes les seigneuries qui eurent et ont commandement sur les hommes furent ou sont ou républiques ou principautés ».

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Merleau-Ponty: du cogito tacite au cogito vertical

Le cogito apparaît dans l’œuvre de Merleau-Ponty à trois niveaux de signification.
Il désigne d’abord le « phénomène central » de l’ouverture et de l’évidence du monde, à même la naïveté de la foi perceptive : « tel est le vrai cogito – il y a conscience de quelque chose, quelque chose se montre, il y a phénomène […] » . Cette première signification correspond à ce que Merleau-Ponty appelle dans la Phénoménologie de la perception le cogito tacite.
En un second sens, il désigne une explicitation philosophique, une première articulation « en thèse ou énoncé » de ce phénomène central, celle qui formule l’évidence du monde comme la certitude qu’il y a de l’être, en tant qu’être pour moi.
Enfin il désigne l’interprétation proprement réflexive de l’évidence du monde comme certitude de l’esprit pensant devant et pour lui-même ou, comme le dit Merleau-Ponty, «l’adéquation et le consentement de la pensée à la pensée, la transparence de ce que je pense pour moi qui le pense », l’auto-manifestation d’ « un être qui est pour soi sitôt qu’il est, parce que tout son être est d’apparaître, donc de s’apparaître, – et qui s’appelle l’esprit » .

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Eternité de l’âme et cheminement éthique dans la pensée de Spinoza

Dans la cinquième partie de l’Éthique, Spinoza traite de l’éternité de l’âme. Son souci est de s’écarter du concept métaphysique traditionnel d’immortalité. Toutes les preuves de l’immortalité de l’âme font intervenir, comme le ressort de l’argumentation, une thèse sur la substantialité de l’âme. C’est pourquoi la carrière philosophique de l’immortalité de l’âme est frappée au cœur par la critique kantienne des paralogismes, établissant que le sujet a pour sens d’être de ne pas être une res, une substance. La désubstantialisation kantienne de la subjectivité rend impossible la preuve de l’immortalité de l’âme sous sa forme traditionnelle grecque. La problématique spinoziste de l’éternité de l’âme relève d’un horizon tout à fait différent. En effet, non seulement elle est libre de toute présupposition sur la substantialité de l’âme, mais elle conserve, même dans l’argumentation la plus rigoureuse et la plus serrée, une dimension non argumentative, une dimension d’expérience : « nous sentons et nous savons par expérience que nous sommes éternels ». Cette référence à l’expérience témoigne du lien entre la dimension spéculative et la dimension éthique de l’éternité de l’âme : le concept d’éternité ne prend son véritable sens que dans le cheminement éthique qui conduit au salut.

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La réalisation de soi dans l’art: une lecture daseinsanalytique de Solness le Constructeur

Commentant une pièce intitulée Solness le constructeur, le psychiatre suisse L. Binswanger prend pour thème la réalisation de soi ainsi que le sérieux, la véracité, le refus des demi-mesures, que, selon Ibsen, la réalisation de soi exige.
L’opération de la forme artistique, la Gestaltung, est un des chemins fondamentaux de la véracité et de la réalisation de soi.
L’art est une Gestaltung et ouvre la voie d’une réalisation de soi pour autant que s’y croisent l’horizontalité – la direction de sens de l’expérience et de l’amplification de soi -, et la verticalité – la direction de sens de l’amour et de l’ascension ; il y a Gestaltung là où une re-prise véritable du passé dans le présent ouvre un avenir, là où hauteur et profondeur communiquent, là où se composent et se nouent l’éternité du beau et la patience du travail de l’œuvre.
Mais l’art ne peut ainsi ouvrir la voie d’une réalisation de soi qu’en s’approchant au plus près, en faisant l’épreuve de l’ennemi intime qui le menace – de l’intérieur. Cette menace, Binswanger l’appelle présomption . La présomption survient au moment où la proportion se rompt entre l’horizontal et le vertical, l’ample et le haut, au moment où la hauteur devient une sorte d’abîme qui attire et emporte celui qui monte, jusqu’au point où il s’effondre dans le vide. La passion de la forme pure peut en venir à oublier la vie.
L’art est une voie de la réalisation de soi pour autant qu’il sait être, non une négation, mais une catharsis de la vie.

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La question de l’identité personnelle

La notion de sujet, telle qu’elle apparaît dans la philosophie moderne, s’est construite à l’intersection de deux chemins principaux.
Le premier – ontologique – est celui de la réflexion grecque puis latine sur la substance. Le français « sujet » vient en effet du latin « sub-jectum », qui est lui-même apparenté, du point de vue de la construction lexicale, au latin substantia et au grec upokeimenon.
Que signifie substance ?
Au début du livre Z de la Métaphysique, Aristote énonce que l’être est dit selon de multiples acceptions appelées catégories. Et il cite parmi elles le « ce qu’est la chose et le ceci » appelé également ousia, puis la qualité, la quantité, et toutes les autres catégories de l’être. Et il établit la primauté de l’ousia qui est seule kath auto.