Les images sont-elles toutes de la mĂȘme famille ? De l’unitĂ© de l’imagination
Je contemple âlaâ gravure de DĂŒrer ; puis, l’abandonnant, j’imagine un chevalier affrontant la mort ; enfin je m’assoupis et voici que ce que je contemplais ou imaginais, je le rĂȘve. Le sujet visĂ© mis Ă part, quoi de commun entre ces diffĂ©rents actes de ma conscience ? L’un suppose le sommeil et les deux autres un Ă©tat de veille. Dans un cas nous fait face une feuille de papier recouverte de traits noirs et inscrite dans lâespace de la perception, dans les deux autres la conscience forme, indĂ©pendamment semble-t-il de tout support, une image de son choix. Ne doit-on pas seulement dans ces deux derniers cas parler au sens propre de re-prĂ©sentation (VergegenwĂ€rtigung) ou, selon la traduction adoptĂ©e par Sartre que nous conserverons dans cette Ă©tude, de prĂ©sentification ? Est-il possible dans ces conditions d’invoquer Ă chaque fois une seule et mĂȘme fonction de la conscience ? Ne faut-il pas au contraire soigneusement distinguer entre une conscience d’image Ă partir d’un support matĂ©riel perceptible dans lâespace objectif et l’image mentale ? La spatialitĂ© de lâune est-elle la spatialitĂ© de lâautre ?
Et pourtant si on dit âvoirâ ou âregarderâ un portrait, des photographies, une gravure, nul ne dira que le chevalier de DĂŒrer est perçu. Ni perçu, ni signifiĂ©, c’est-Ă -dire visĂ© Ă vide, doit-on dire alors que dans le rĂȘve, dans l’imagination comme dans la âperceptionâ de la gravure, le chevalier est donnĂ© en image ? Et dans un mĂȘme mouvement ne doit-on pas Ă©largir le champ de l’imagination et y introduire toutes ces âimagesâ que sont le reflet de mon visage dans un miroir ou Ă la surface de l’eau, l’ombre d’un corps ou d’une maison engendrĂ©e par la lumiĂšre du soleil, le visage que je dĂ©couvre dans les arabesques du tapis ou dans les volutes d’un nuage, etc. ?