Nouvelle recherche

Si vous n’êtes pas satisfait(e) des résultats ci-dessous, vous pouvez lancer une autre recherche

511 résultats de recherche pour :

441

La différence éthique dans la pensée de Spinoza

Dans les Recherches sur la liberté humaine Schelling montre que la question du mal est, par excellence, l’aporie de tous les systèmes philosophiques, la question où apparaît le plus nettement l’insuffisance de leurs concepts fondamentaux. Et il souligne que c’est dans le panthéisme, régi par le concept de l’immanence, que l’aporie devient la plus rude. Elle consiste dans l’alternative suivante : ou bien le concept d’un mal effectivement réel est admis, mais l’immanence exige alors de le poser dans la substance infinie ou la volonté originaire, qui ne correspondent plus, dès lors, à l’idée d’un « être le plus parfait de tous ». C’est la destruction de l’idée de Dieu. Ou bien la réalité du mal est refusée, mais avec elle s’évanouit le concept réel de la liberté.

Spinoza, pense Schelling, a nié la réalité du mal. Cette lecture n’est pas sans fondement et peut être illustrée par la lettre XIX de Spinoza à Blyenbergh . Le correspondant de Spinoza formule l’aporie classique : ou bien le mal et le péché n’existent pas, Dieu par qui tout existe ne pouvant en être l’auteur ; ou bien le mal et le péché existent, et Dieu en est l’auteur. Il est nécessaire que l’une de ces deux propositions soit vraie, et pourtant elles sont également impossibles, l’une abolissant toute différence éthique, l’autre rendant Dieu responsable du mal. Spinoza, lui, écarte l’aporie, en montrant qu’elle est née d’une compréhension erronée du mal, celle qui consiste à considérer le mal comme quelque chose de positif.

Pour Spinoza, le mal n’existe pas en qualité de « quelque chose » ; il existe seulement comme privation. Ainsi le mal qui est dans la volonté d’Adam « n’est pas autre chose que la privation d’un état qu’à cause d’elle Adam a dû perdre ». Et cette privation n’appartient pas, en tant que prédicat négatif, à la teneur réelle de l’être auquel nous l’attribuons, ne relève pas de sa constitution intrinsèque ; elle lui est attribuée par un entendement humain qui substitue à la plénitude de la réalité ce que Bergson appellera le vide de son attente ou de son insatisfaction, un entendement qui connaît de l’étant, non ce qu’il est, mais ce qu’il était et n’est plus ou pourrait être. L’imputation d’une privation est donc le résultat d’une comparaison plus ou moins arbitraire d’un étant singulier avec la fiction de ce qu’il serait, s’il était resté identique à lui-même, ou bien s’il possédait toute la perfection du genre dont il relève. Dieu ne forme aucune fiction ; donc Dieu ne peut avoir l’idée d’une privation et du mal. En Dieu ou selon la vérité, le mal n’est rien.

Et cependant, là est le paradoxe de cette lettre XIX, la négation de la réalité du mal n’entraîne nullement l’extinction de toute différence éthique. Une pensée de la différence éthique est impliquée dans le passage de la servitude à la liberté. Le projet de cette étude est d’examiner cette situation, en soulignant trois points :

1/ Le mal, chez Spinoza, n’a de racine ni dans l’essence ni dans l’existence du mode fini ; il a lieu à la jointure de l’essence et de l’existence ; il est un certain mode d’articulation de l’essence et de l’existence : l’oubli de l’intériorité de l’essence dans l’extériorité de l’existence.

2/ Cet oubli, qui est l’existence malheureuse, la servitude, et son contraire, le salut, la liberté ont pour condition commune le double lien, l’identité et la différence de l’âme et du corps.

3/ Le seuil du salut est la compréhension de l’essence de l’être comme puissance d’agir.

442

La philosophie pratique de Kant

Le cours de François-Xavier Chenet sur la philosophie pratique de Kant est téléchargeable en bas de cette page.

Il comprend une première partie sur la Métaphysique des moeurs et une seconde partie sur la Critique de la raison pratique. S’ajoutent à ce commentaire, des prolongements en Appendices : critiques intrinsèques et extrinsèques de la morale kantienne, mise au point sur le bonheur, difficultés relatives à la doctrine du souverain bien.

Le cours comprend en outre un développement d’une petite centaine de pages sur les critiques de la morale kantienne – reprise de l’appendice I – dans lequel François-Xavier Chenet cite et commente de nombreux textes de Bergson, Schopenhauer, Scheler et bien d’autres.

Ces annexes ne sont pas publiables dans l’immédiat. Nous devons préalablement en vérifier la conformité au droit d’auteur. Nous tenterons de mettre en ligne ultérieurement une version de ce document et invitons les collègues à nous signaler explicitement leur souhait de recevoir ce texte complémentaire.

Les personnes impliquées dans Philopsis travaillant bénévolement sur ce projet en marge de leurs activités professionnelles, nous ne sommes pas en mesure de préciser le délai nécessaire à l’établissement de ce second volet du cours.

Nous publions ci-dessous la précieuse bibliographie de François-Xavier Chenet figurant également à la fin du document pdf.

443

Descartes Correspondance avec Elisabeth – Commentaire

Dans la correspondance entre Descartes et Élisabeth, les principes de la philosophie cartésienne rencontrent les interrogations et les objections d’une lectrice décidée à « lire – vivre où mènent les mots », animée par une confiance sans faille envers la fécondité pour l’existence de la pensée cartésienne, mais résolue à l’exigence cartésienne de parvenir à l’évidence, avant de donner son acquiescement. Nous assistons ainsi à une sorte de mise à l’épreuve des principes cartésiens, de leur cohérence intrinsèque et de leur pouvoir de fonder des règles pour la vie. La philosophie cartésienne est appréhendée dans sa dimension pratique, et reliée à la grande tradition de la sagesse grecque, pour laquelle l’enjeu de la philosophie est la qualité du vivre.

444

La matière et l’esprit

Le terme d’esprit désigne habituellement les phénomènes qualifiés de « mentaux » tels que perceptions, sentiments, émotions, volitions, conceptions, jugements. Ces phénomènes ont pour propriété, d’après la façon dont ils se présentent, d’être intentionnels et conscients.
La notion de matière présente de multiples significations. Pour donner une idée de cette multiplicité, il suffit d’observer que cette notion n’a pas exactement le même emploi ni le même sens quand elle est « liée » (quelle que soit la modalité de cette liaison) à la notion de forme ou bien, comme dans le titre de nos réflexions, à la notion d’ « esprit »…

Le cours est téléchargeable à la suite de la bibliographie

445

La matière

Qu’est-ce que la matière ? C’est l’ensemble de la réalité accessible à
l’expérience ordinaire et scientifique. Ou plutôt la matière c’est le monde ou
ce dont il est fait. Cette différence n’est pas mince : le matérialisme consiste
précisément à soutenir la première thèse en l’identifiant à la seconde. La
matière y joue en effet le double rôle d’objet à expliquer – et il n’y en a pas
d’autre : c’est le réel, sans arrière-monde – et de principe d’explication.
D’où l’heureuse définition qu’Engels donnait du matérialisme :
« l’explication du monde par lui-même (Erklärung der Welt durch sich
selbst) ».

Mais avant d’être chose ou principe de toutes choses, la matière est un
mot et c’est du mot et de son usage qu’il faut partir. La polysémie du mot
« matière » contient sinon tous les problèmes philosophiques de sa notion,
du moins les principaux, en évitant d’en faire immédiatement une question
spécifiquement philosophique ou scientifique. Ou encore le premier
problème philosophique de la « matière » c’est le fait de sa polysémie.

Par matière on veut dire :
– au sens technique, commun entre la philosophie et les sciences, « la
substance qui constitue les corps », la substance corporelle.
– au sens large, le mot « matière » peut désigner n’importe quoi. Tout
objet d’une activité humaine (en matière de …). Il y a autant de matières
que de disciplines ou d’activités auxquelles peut s’appliquer le génie
humain. La matière est ici sans aucune détermination mais en reçoit de
l’activité qui la constitue. On dira qu’une matière se définit comme le
corrélat d’une activité qui la détermine en l’informant. La matière est l’objet
qui correspond à toute espèce d’activité humaine qui joue à son égard une
fonction de transformation ou d’information.
– dans un sens aussi courant et lui-même multiple, on parle de la
matière comme de ce sur quoi se constitue la pensée ou l’action. La pensée
comme l’action prend appui sur quelque chose qui lui sert de base. On parle
ainsi de la matière d’un raisonnement, du contenu matériel de la proposition
en opposition à sa simple forme. On distingue entre la vérité matérielle et la
validité formelle.

La question est alors de savoir comment la « matière » peut signifier à
la fois la substance corporelle (la matière sensible) et le corrélat de l’activité
ou de la forme de la pensée. Cette polysémie est-elle fortuite ou réglée à
partir d’une essence de la matière qu’il s’agirait de dégager ?

447

Quine et la Poursuite de la vérité

Très grand philosophe américain du 20ème siècle, Willard van Orman
Quine (1908-2000) est l’un des très rares à avoir élaboré un véritable
système philosophique, dans lequel ses thèses bien connues, et souvent
provocatrices, trouvent tout leur sens en se justifiant l’une l’autre. C’est ainsi
de cette solidarité d’ensemble que les thèses de « l’indétermination de la
traduction », de « l’inscrutabilité de la référence », de la critique de
l’analyticité ou de la signification, tirent toute leur valeur et leur force
philosophiques. Logicien-philosophe autant que philosophe-logicien, Quine
construit sans doute des thèses philosophiques qui sont déterminées par sa
conception de la logique comme couronnement de sa philosophie naturaliste.
Mais celle-ci ne pourrait se comprendre sans l’attachement résolu de Quine à
un empirisme foncier qu’il a mieux reconstruit pour en montrer le caractère
inévitable – inévitable puisque résultant de l’état même de notre
connaissance. Car, introducteur en même temps que critique de l’empirisme
logique aux Etats-Unis, il s’est attaché à défaire l’empirisme de ses dogmes
pour mieux en faire la méthode obligatoire de l’épistémologie naturalisée.
Celle-ci prendra ainsi en compte l’état actuel de la connaissance, c’est-à-dire
de la science, pour mieux la reconstruire : c’est donc une sorte de regard
rétrospectif que la science porte sur elle-même qui reste comme tâche à la
philosophie, sans que celle-ci reste attachée à des dogmes qui l’empêchaient
de rendre compte adéquatement du développement de la connaissance (tels
que : l’illusion d’une distinction absolue entre les énoncés synthétiques et les
énoncés analytiques, l’illusion du réductionnisme qui veut que chaque
phrase signifiante ait une correspondance avec l’expérience sensible, etc.).

448

La connaissance des choses : définition, description, classification

Commençons par les mots. Rien ne va de soi dans l’énoncé proposé. La connaissance des choses ? Tout fait problème, la connaissance comme les choses. Que compterons nous parmi les choses ? Un objet mathématique, Dieu, la mort, une loi physique, un fait social ? Un événement historique ? Si l’on en croit Paul Veyne, « les événements ne sont pas des choses, des objets consistants, des substances ; ils sont un découpage que nous opérons librement dans la réalité […] Les événements n’ont pas d’unité naturelle ; on ne peut, comme le bon cuisinier du Phèdre, les découper selon leurs articulations véritables, car ils n’en ont pas. »

« Les choses » composent un univers indéfini, un chaos de diversité et de différences. L’un des grands défis de la connaissance, c’est d’affronter le divers, de le mettre en ordre, de rendre possible son appréhension et sa compréhension. Si, comme le veut Aristote, il n’y a d’existence que du singulier, et de science que du général, il s’agit donc de passer de la collection des singularités à leur classification ordonnée dans le savoir. Ce qui suppose de passer de la réalité à la représentation, des choses aux mots. C’est tout le problème de la connaissance. Et c’est un vieux débat, en philosophie, de savoir si nous connaissons effectivement des choses, qui ont leur être en dehors de nous, et une unité naturelle autonome, ou si la connaissance n’atteint que des représentations qu’elle a elle-même produites, ou encore selon quelles modalités la connaissance et les choses qu’elles prend pour objet se façonnent mutuellement.

Et qu’est-ce que « la » connaissance ? Qui détient « la » connaissance sur l’or, par exemple : le joaillier, qui en exploite les qualités esthétiques et plastiques ? Le géologue minéralogiste, qui sait identifier les minéraux et rechercher des gisements aurifères ? L’électronicien qui utilise ses propriétés physico-chimiques ? Le physicien ou le chimiste, qui le définissent par sa structure comme l’élément de numéro atomique 79 ? L’économiste, qui y voit un type de placement et une cote en bourse ? Ou bien encore le poète, pour qui l’or est précieux à d’autres titres ? Autant de manières de se rapporter à une chose, d’en avoir une certaine connaissance – qui peuvent très bien s’ignorer mutuellement. Autant de manières différentes de définir, de décrire, et de classer. Dira-t-on que la vraie connaissance est la réunion de tous ces éléments ? Mais qui en est le sujet ? Et que dire alors de la dimension temporelle de la connaissance : Archimède connaissait un certain nombre des propriétés de l’or que nous connaissons aujourd’hui. Il était loin de les connaître toutes : dirons-nous qu’il ignorait ce qu’est l’or ? Et si l’on évoque Paracelse, qui attribuait à l’or des propriétés qui n’ont plus pour nous aucun sens, on en vient à des univers de pensée devenus incommensurables, au sens de Thomas Kuhn, parlant de la succession des paradigmes dans l’histoire de la pensée scientifique. Une interprétation nominaliste de cette idée, selon Ian Hacking , est qu’après une révolution scientifique, le monde des choses singulières ne change pas, mais le monde dans lequel travaille l’homme de science est entièrement différent, parce que ce n’est pas un monde d’individus, mais un monde d’espèces, définies par nos classifications. Ce monde-là change.

449

Meinong et les niveaux de l’objectivité

Il est possible de lire la théorie de l’objet comme un catalogue, dans lequel on trouverait énumérés, les uns à côté des autres, les différents genres d’objectivité. Meinong suggère bien une telle lecture au début du texte, au fil conducteur de l’idée d’universalité (psychologique) de l’intentionalité :

“ Qu’il n’y ait pas de connaissance sans qu’il y ait quelque chose à connaître, plus généralement, qu’il n’y ait pas de jugement, voire de représentation, sans qu’il y ait quelque chose à juger ou qui soit représenté, voilà ce que révèle le plus évidemment ne serait-ce qu’une considération tout à fait élémentaire de ces expériences. ”

Les objectivités considérées apparaissent alors comme autant de genres d’objets, indexés à la diversité qui est celle de la visée d’objet. Il s’agirait, en quelque sorte, de décliner l’intentionalité, suivant ses différents genres et ses degrés de complexité et, en un certain sens, d’irréalité. Dans cette énumération, on pourrait voir tout au plus la gradation d’une ascension et, éventuellement, d’une fondation, tous ces genres ne constituant que des variations sur le thème, plus général, de “ l’objet ”, mais pas vraiment une hiérarchie introduisant une véritable disparité : “ l’objet ” dont il est question dans la Théorie de l’objet, catégorie la plus générale et en un certain sens universelle, dont toutes les objectivités mentionnées (objets de référence simple, objets relationnels ou idéaux en général, Objective) ne seraient que des variantes, ne serait en effet déterminé différentiellement par rapport à rien d’autre, et aurait, purement et simplement, le statut de fourre-tout.
Il n’en est rien pourtant. Il y a un statut logique (ou “ méta-logique ”, au sens de ce qui va supporter même la contradiction) de “ l’objet ”, statut dont la découverte est intimement liée à l’exploration, par Meinong, du niveau de la référence propositionnelle, en contraste par rapport à laquelle le niveau de “ l’objet ” devient seulement assignable.

C’est ce que nous allons montrer.

450

Un contenu de pensée peut-il être objectif ? Sens, objet et vérité

Frege, considéré souvent comme le fondateur de la logique moderne,
avait une haute idée de la philosophie qu’il a toujours associée directement
ou indirectement à sa réflexion sur les mathématiques1. Voir la philosophie
se rapprocher de la psychologie l’inquiétait car il y voyait un affaiblissement
du pouvoir de la pensée. Le psychologisme qu’il a critiqué, débusqué jusque
chez Husserl, tend à réduire la pensée à la représentation révélant son étroite
parenté avec l’idéalisme quand ce dernier réduit le monde et les choses à la
représentation. Ainsi la psychologie qui découvre les lois de la
représentation prétend énoncer aussi les lois de la pensée. Frege réagit
vigoureusement en montrant que les lois psychologiques de la représentation
dépendent des lois plus fondamentales qui sont les lois des nombres étroitement liées aux lois de la pensée, d’où la vanité du projet qui consiste à
réduire les lois mathématiques à des lois psychologiques.
La confusion de la pensée avec la représentation entraîne une seconde
conséquence. Pour des philosophies imprégnées de psychologie, comme
Brentano ou Husserl, la représentation n’est pas liée à une excitation
corporelle dont elle dépendrait mais à une conscience ou subjectivité
indépendante des affections naturelles et corporelles. En réduisant la pensée
à la représentation, le psychologisme met en péril l’objectivité et la vérité
visées par toute pensée ; en faisant dépendre l’objet de la pensée d’une
forme qui serait le « je pense », la révolution copernicienne n’échappe au
relativisme qu’en postulant l’universalité du sujet. Peut-on sortir du
subjectivisme (Brentano, Husserl) ou du naturalisme (Fechner, Mach) propre
à la conception psychologique de la pensée et éviter à la fois le solipsisme et
le scepticisme ?