Nouvelle recherche

Si vous n’êtes pas satisfait(e) des résultats ci-dessous, vous pouvez lancer une autre recherche

511 résultats de recherche pour :

391

Introduction à la question philosophique de la liberté

« En quoi le problème de la liberté n’est-il pas une question particulière » demande Heidegger au début de son cours de 1930 intitulé De l’essence de la liberté humaine – Introduction à la philosophie ? En quoi la liberté n’est-elle pas une question philosophique comme une autre ? En ce qu’elle interroge la philosophie elle-même dans sa possibilité : que l’essence de la liberté concerne l’essence de la philosophie, voilà ce qui fait le caractère insigne de la question de la liberté. Que faut-il comprendre par là ? Sans doute qu’elle est une question primordiale à la fois a parte subjecti et a parte objecti.

A parte subjecti, parce que nul philosophe n’a la liberté de l’ignorer : le philosophe n’est pas libre de penser ou de ne pas penser la liberté mais seulement libre de lui apporter telle ou telle réponse. La philosophie ren-contre la liberté comme une question nécessaire. C’est elle qui, pour l’essentiel, permet de distinguer les systèmes philosophiques qui sont comme des variations autour d’un même thème. Au terme de l’analyse conceptuelle du réel, il s’agit de s’assurer si l’on a raison de tenir l’homme pour un être libre ou si la liberté n’est qu’une illusion que la connaissance philosophique vient précisément dissiper. Mais par là-même, peut-être, la li-berté signale qu’il n’y a pas de système philosophique si abstrait qu’il ne procède d’un sujet engagé dans l’existence.

392

L’éternité et le temps – Confessions St Augustin Livre XI

Le livre XI est une méditation sur l’éternité, le temps et leur rapport. Comment cette méditation sur l’éternité et le temps est-elle introduite ?

1/ Avant de parler sur l’éternité, le livre XI commence par une immense prière à l’éternité ; cette prière d’ailleurs souligne d’emblée ce qu’il y a d’aporétique – et même de doublement aporétique – dans une parole adressée à Dieu (“pourquoi dès lors vous raconter tout le détail de ces faits…… ? ”) :

a) Dieu est omniscient ; il ne peut donc rien apprendre de nous ; si la parole adressée à Dieu prétend lui communiquer une information, elle est évidemment vaine ; il en résulte que la parole adressée à Dieu n’a pas pour fin de communiquer, elle n’a pas pour fin de changer Dieu ; en parlant à Dieu, nous nous changeons nous-mêmes ; c’est un acte de parole qui vaut par sa propre profération.

b) la prière s’adresse à un Dieu éternel depuis le temps ; ce qui conduit à se demander comment le temporel peut se rapporter à l’éternel. C’est tout le thème du livre XI

2/ La prière, par sa forme même, nous jette dans la dramatique du temps ; l’être qui prie se saisit comme temporel de part en part. La méditation augustinienne ne part pas d’un concept du temps, mais du temps comme dimension de l’existence, de l’expérience ; la méditation existentielle ouvre la voie à la méditation conceptuelle. Nous avons là d’ailleurs un fil conducteur du livre XI : nous sommes jetés dans le temps avant de réfléchir sur lui, nous avons avec le temps une connivence, une complicité ; nous avons toujours déjà un savoir non thématique, marginal, silencieux du temps, une pré-compréhension du temps, qui d’ailleurs se dérobe dès que nous cherchons à la fixer en un concept explicite.

3/ Le chapitre. 2 annonce le projet des trois derniers livres : “méditer sur votre Loi”, c’est-à-dire méditer sur l’Ecriture. Dans le ch 3 s’engage une méditation sur le début de la Genèse : “dans le principe, Dieu a créé le ciel et la terre” – ici Augustin se livre à une fiction où il lui serait donné de pouvoir questionner Moïse, le rédacteur inspiré de la Genèse. Mais pour savoir si Moïse dit vrai, il faudrait comparer son discours dans l’âme avec la Vérité elle-même. Si l’Ecriture est l’autorité, la mesure de la vérité de l’autorité est la Vérité intérieure. D’emblée Augustin suggère le lien entre création et parole à condition de distinguer le discours humain (ici représenté par la voix de Moïse) et le Verbe divin identique à la vérité intérieure.

393

L’irréversibilité du temps, apparence ou réalité en physique ?

L’objet de cette réflexion n’est pas au départ épistémologique ni scientifique ; il est philosophique et concerne simplement l’énigme du temps. Qu’est-ce donc que le temps ? La question « qu’est-ce… ? » à propos du temps est certes contestable, puisque, comme le dit saint Augustin, « le mode d’être du temps est de ne pas être ». Heidegger situe d’ailleurs son questionnement des rapports entre L’Etre et le temps et Le temps et l’Etre, dans le sillage tracé par Augustin.

Mais le questionnement que je vous soumets est beaucoup plus modeste. Nous ne nous risquons pas ainsi à devoir interroger l’ensemble de la tradition philosophique. Nous limiterons volontairement notre champ d’investigation en prenant au sérieux une interrogation de physicien : le temps est-il une apparence ou une réalité ? On peut toujours reprocher à cette question sa naïveté sous prétexte qu’on ne saurait faire du temps une « réalité » comme si le temps était un « étant » parmi d’autres.

Prenons-la au sérieux cependant ; nous verrons qu’il y a beaucoup à penser à partir de cette question. Non que la science puisse me donner une réponse à la question de ce qu’est le temps. Mais les questions que pose et que se pose le savant ont de quoi nourrir et stimuler la réflexion philosophique. Ce sera pour nous l’occasion de montrer que pour faire de la bonne philosophie il faut parfois rencontrer la science et prendre part à ses questionnements et à ses discussions. Et qu’inversement pour faire de la bonne science il faut faire parfois aussi de la philosophie. Le chercheur en effet dans ses préoccupations de chercheur, pour un peu qu’il interroge les concepts qu’il met en place et les hypothèses qu’il tente d’expérimenter, rencontre la philosophie – tantôt sans le savoir lui-même, tantôt tout à fait consciemment.

394

Note sur la question du temps chez Merleau-Ponty

Dans la Phénoménologie de la perception, Merleau-Ponty cherche à penser une articulation entre le concept de subjectivité qui se construit au fil des analyses de l’être au monde perceptif et le concept de temps qui s’est élaboré à travers Kant, Husserl et Heidegger. De cette situation résulte une tension initiale : alors que le temps a été le plus souvent compris, et en particulier chez ces trois philosophes, comme une dimension de la subjectivité ou de la vie de l’esprit, la pensée du temps, dans l’ouvrage de 1945 se porte d’emblée, comme l’exige la perception, vers l’écart et la suture du Soi et du monde, du temps naturel et du temps historique. Remontant ainsi jusqu’au cœur du débat entre le temps « cosmique » d’Aristote et le temps de l’âme de St Augustin, Merleau-Ponty cherche à comprendre pourquoi on doit dire ensemble que « le monde […] est le noyau du temps » (PP 383) et que « la subjectivité est le temps lui-même » (PP 278). Le temps n’est pas une chose, une substance fluente comme une rivière, le temps est inséparable du sujet ; et pourtant « on dit qu’il y a un temps comme il y a un jet d’eau » (PP 482) ; si cette image fait sens, si elle met bien sur la voie d’une pensée juste du temps, comme le pense Merleau-Ponty, elle souligne, en faisant du temps une forme dynamique, une poussée continue dans l’être, que le temps est le style du phénomène du monde, la forme constante de son apparaître et se tient donc à la jointure du monde et de la perception.

395

Notes sur la temporalité chez Merleau-Ponty

Le chapitre consacré à la temporalité occupe dans la Phénoménologie de la perception une place centrale, il constitue le point où se rassemblent les descriptions de l’être-au-monde, il en délivre le sens comme il ouvre à la compréhension de l’exister et de la liberté. L’opposition de l’intellectualisme et de l’empirisme qui animait les chapitres précédents y est dépassée pour laisser place à une pensée qui se cherche, au-delà des Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps, dans les prémonitions d’une voie ontologique.

A l’autre bout de l’œuvre du philosophe, les notes de travail qui préparaient Le Visible et l’Invisible reprennent et radicalisent ces intuitions, elles esquissent ce qui aurait été l’un des axes principaux de l’ontologie de Merleau-Ponty, une méditation sur le temps comme chiasme.

De l’un à l’autre, et dans l’écart qui les sépare, quelle est l’unité de cette pensée ? Dans quelle mesure la Phénoménologie de la Perception amorce-t-elle ici, à propos du temps, un mouvement qui ne sera repris que dans la dernière œuvre ? Et, dans le chemin parcouru de l’un à l’autre, quelle place occupe cette question pour qu’ainsi le début et la fin s’y répondent ?

396

Observations sur la conception kantienne du temps

Les conceptions relatives à l’espace et au temps exposées dans la Cri-tique de la raison pure sont le résultat d’une évolution s’échelonnant sur une vingtaine d’années. Kant a pensé qu’à la question: que sont l’espace et le temps ? – quatre réponses et quatre seulement sont possibles: ils sont soit des substances, soit des accidents, soit des relations réelles, soit des relations relevant de la constitution subjective de l’esprit. La solution de la Critique (idéalité transcendantale et réalité empirique de l’espace et du temps) est la quatrième. Kant l’a patiemment mûrie. Dans cette élaboration, une importance particulière revient à la Dissertation de 1770 . S’y affirme en effet pour la première fois en toute clarté le thème de la subjectivité de l’espace et du temps.
Le titre de la thèse est: la forme et les principes du monde sensible et du monde intelligible . D’entrée de jeu, le concept de monde vient au premier plan. Kant le définit comme « un tout qui n’est plus une partie », en contre-point du simple, défini comme la partie qui n’est plus un tout. Kant précise en outre qu’il y a une double genèse possible des objets pensés sous les concepts de monde et de simple…

397

Une régression ptoléméenne en philosophie ? Kant et la question du temps

Si les philosophes doivent, comme le veut Nietzsche, « devenir la mauvaise conscience de leur temps », et s’ils doivent pour cela oser mettre en examen les propositions que leur époque tient habituellement pour vraies, on peut penser qu’il nous incombe de réexaminer certaines positions kan-tiennes que Nietzsche, à l’instar de beaucoup d’autres, a plutôt admises que discutées.
On peut mesurer le succès historique de Kant à ce que, en dépit des efforts des idéalistes allemands ses successeurs, les penseurs de notre époque la définissent volontiers comme « l’âge post-métaphysique ». Peut-être ne reste-t-il plus grand chose du détail de la Critique de la Raison pure dans la science et l’épistémologie contemporaines. Il est en revanche une thèse qu’elle passe pour avoir définitivement accréditée, et qui fonctionne parfois comme une condition de respectabilité intellectuelle : qu’il ne saurait y avoir de connaissance au-delà de ces disciplines que nous avons pris l’habitude d’appeler nos sciences, à l’instar de Kant lui-même, qui refusait ce titre à la métaphysique pour la raison qu’elle ne peut connaître ni comme les mathématiques, ni comme la physique expérimentale…

398

A la recherche d’homo sociologicus. Du problème de l’individualité en sociologie à la rationalité du comportement social

Dans les pages qui suivent, je m’attacherai à mettre en lumière certains éléments de la représentation de l’homme comme être social impliquée par la sociologie. Plutôt qu’un exposé général sur le vaste thème des sciences humaines, je propose un itinéraire particulier – en privilégiant notamment les orientations bibliographiques – à partir de la question suivante : si les sciences humaines ont été innovantes sur le plan épistémologique, ne peut-on dire que le véritable bouleversement opéré par l’une des plus importantes, la sociologie, concerne sinon une nouvelle représentation de l’homme, du moins une redéfinition des pouvoirs rationnels de l’individu ? On va voir que s’il est centré sur la sociologie, cet itinéraire permet d’appréhender une thématique qui concerne plusieurs autres sciences humaines, dans la mesure où les difficultés que rencontre la science sociale dans la constitution de son paradigme, valent aussi mutatis mutandis pour elles.

La sociologie peut être définie comme la science de l’homme tel qu’il se représente lui-même par le biais de ses relations sociales ; elle apparaît ainsi comme un savoir empirique constitué par toutes les études de terrain qu’un sociologue est susceptible d’imaginer puis de mener à bien, touchant les multiples formes des relations que les hommes entretiennent entre eux. Ces derniers sont à la fois des producteurs et des consommateurs, des vendeurs et des acheteurs, des fils/filles, des époux/ses et des pères ou des mères, des citoyens, des administrés et parfois des administrateurs, des usagers de multiples services publics, ou encore des fidèles de telle ou telle religion, cette liste étant impossible à clore. Etude méthodique des comportements adoptés par les hommes vivant les uns avec les autres, toute sociologie est « politique », et illustre une idée de l’homme comme être agissant en fonction de son ou de ses groupes sociaux de référence qui paraît bien connue de la philosophie.

399

‘Sociologie et philosophie’, d’Emile Durkheim : Le social et le mental

Le recueil Sociologie et philosophie rassemble des textes de Durkheim parus à des dates différentes et portant sur des objets variables. On s’efforcera ici de ressaisir l’unité de la démarche de Durkheim à partir d’un problème précis.

Partons de la confrontation entre sociologie et philosophie telle qu’elle fut organisée par Célestin Bouglé lorsqu’il rassembla ce recueil. La sociologie, ayant acquis son indépendance comme science, se retourne vers la philosophie avec laquelle elle a d’abord rompu. Plutôt qu’une rivalité entre deux entreprises théoriques concurrentes, où l’une essaie de couronner l’autre, il s’agit d’une rencontre sur un terrain commun où la philosophie accepte de poser ses questions – le rapport de l’esprit et du monde – en examinant des données empiriques – le mental – et où la sociologie vient théoriser son propre objet : le social. La signification de cette rencontre doit se lire en deux sens. D’une part, le social constitue lui-même une forme d’activité mentale, c’est-à-dire qu’une société est un ensemble d’idées et de croyances – conception essentielle pour une sociologie qui a mis au cœur de ses préoccupations le problème de l’éducation. D’autre part, et plus profondément, le mental est déjà une forme d’activité sociale, puisqu’il consiste en une association d’idées – notion qu’il faut entendre au sens de la psychologie associationniste mais plus encore en un sens sociologique : l’association n’est pas une simple relation entre des idées ou des individus, elle produit une réalité nouvelle. C’est la grande découverte de Durkheim : le social constitue « une synthèse sui generis » à partir des individus séparés…

400

L’animal, figure du Tout-Autre

Il semble qu’aujourd’hui une véritable révolution philosophique se produise et que la frontière entre l’homme et l’animal tende à s’estomper. Nous savons non seulement en effet que l’homme a des origines communes avec les grands singes, mais aussi que les animaux sont capables d’apprendre et de transmettre et qu’ils ont développé ce que l’on n’hésite plus à nommer des « cultures » animales. Ce qui commence ainsi à faire question, c’est l’idée même d’un propre de l’homme, et avec lui tout l’humanisme métaphysique qui a formé l’axe directeur de l’ensemble de la philosophie moderne depuis Descartes.

Il y eut pourtant déjà, avec la parution en 1859 de De l’origine des espèces un « démenti infligé à l’égoïsme naïf de l’humanité », selon les termes employés par Freud qui, dans son Introduction à la psychanalyse de 1916, soulignait qu’après la révolution copernicienne, qui a montré que la terre n’était pas le centre de l’univers, la révolution darwinienne « a réduit à rien les prétentions de l’homme à une place privilégiée dans l’ordre de la création, en établissant sa descendance du règne animal et en montrant l’indestructibilité de sa nature animale ». Mais il faut cependant reconnaître que si la question de l’animal apparaît aujourd’hui comme une question centrale du point de vue philosophique, éthique et juridique, c’est essentiellement parce que, depuis une quarantaine d’années, s’est éveillée la conscience de l’appartenance de l’homme à une « seule Terre » aux ressources limitées et à un destin qu’il partage avec l’ensemble des espèces vivantes.