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Platon, Nietzsche et les images

La dialectique, la forme de savoir la plus haute, doit selon Platon se passer
d’images, moyennant quoi, il la situe au sommet d’une ligne qu’il trace et
sectionne ; l’image de la Ligne est, dans la République, précédée d’une analogie entre le bien et le soleil et suivie du mythe de la Caverne. L’acharnement mis
à réclamer et à rendre raison de toutes choses n’a chez Platon d’égal que la
fréquence de son recours à des images, comparaisons, métaphores, allégories
et mythes en tous genres. D’où la décision de certains philosophes ou
historiens de la philosophie d’infliger à ses textes une sorte de purification, ne
voyant là que le signe d’un génie poétique en quelque sorte supplémentaire.
Dans le cas de Nietzsche, chez qui cette sorte de génie n’aurait vraiment pas
été suffisamment refoulée, le tri entre le bon grain et l’ivraie est plus difficile
et peut même conduire à faire douter de sa qualité de philosophe.

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L’idée de bien commun

La notion bien commun a été naguère considérée comme une manière désuète de concevoir ce qui fut l’objet central de la philosophie politique antique, médiévale et classique, conception à laquelle la pensée moderne aurait substitué celle d’un intérêt général, censément moins prétentieuse et politiquement plus correcte, ou du moins plus conforme à l’esprit de nos démocraties : le libéralisme politique revendique en effet aujourd’hui l’affranchissement à l’égard de toute définition d’un bien qui devrait servir de norme à la vie publique . On peut toutefois noter que la notion soi-disant moderne est aussi antique que l’autre puisque, dans sa Politique, Aristote utilise alternativement, comme des synonymes, les expressions koïnon agathon et koïnon sumphéron, ce dernier terme désignant en grec précisément ce que nous appelons un intérêt. Il est clair que, sous l’une ou l’autre dénomination, il s’agit toujours de ce que tout membre d’une cité est censé devoir préférer à ses aspirations individuelles, pour que puisse exister une res publica, c’est-à-dire une communauté politique : qu’on l’appelle bien ou intérêt, il est censé prévaloir, en tant que public, sur toute préférence personnelle, comme par exemple lorsque l’on risque sa vie à la guerre.
Or c’est cette prévalence que Nietzsche a battue en brèche de la façon la plus vive : « comment y aurait-il un « bien commun » ? Le mot renferme une contradiction : ce qui peut être commun n’a jamais que peu de valeur ».

Ainsi « vouloir s’accorder avec le grand nombre », ce qui apparaît à Nietzsche comme l’idéal suprême des démocrates modernes, est le signe d’un « mauvais goût » dont « il faut s’affranchir » : « la « prospérité générale » n’est pas un idéal, pas une fin, pas une idée un tant soit peu praticable, mais seulement un vomitif ». Sans s’arrêter à la véhémence polémique des propos de Nietzsche, ni même aux violences politiques qu’ils ont pu inspirer, on peut y entendre une mise en question plus profonde et plus subtile de l’idée de bien commun. Car, comme il le rappelle lui-même, la notion de bien est celle d’une fin à laquelle une volonté puisse tendre pour y trouver son accomplissement, et elle paraît donc impliquer d’elle-même une forme d’appropriation : comment une volonté pourrait-elle viser un but sans y voir son bien propre, et par suite, comment un bien supposé commun pourrait-il être jugé préférable au point de prévaloir sur les autres ?

La provocation de Nietzsche invite donc à se demander si l’expression bien commun n’est qu’un oxymore qui, loin de signifier une véritable idée, ne ferait que dissimuler une fiction idéologique.

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Pourquoi l’image est-elle si informante?

Le médecin, en effet, en principe, réagit contre le risque d’omnipotence des techniques, qui le transformeraient en un ingénieur, alors qu’hier il a été le confident (la célèbre relation médecin – malade, le fameux colloque singulier), et surtout celui qui a appris à écouter le patient et son corps même, ce corps qui parle. Le médecin a tenu le rôle d’interprète et voici que ce rôle lui est maintenant contesté.

Je le reconnais volontiers, si les symptômes et les pré-symptômes ne nous alertaient pas, il n’y aurait pas de médecine. La médecine ne pourrait pas commencer. Je ne nie pas l’importance des commencements, mais j’entends, dans les 29 minutes qui m’ont été accordées et que je ne dépasserai pas, montrer qu’il faut les intégrer à un ensemble plus vaste.

Qu’est-ce, au fond, que la médecine, sinon l’opération par laquelle un dedans corporel trouble, incertain, trompeur, va être projeté au¬ dehors, extériorisé et susceptible d’être lu ? C’est dans la visibilité que, vraiment, il faut définir l’acte médical majeur. À cet égard, on doit comprendre que la médecine n’a cessé de remplacer les symptômes indi¬catifs d’un malaise, par des signes, les signes physiques, qui fondent vraiment le diagnostic, la vraie connaissance de la maladie.

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Peinture, sens et violence au Siècle des Lumières : Fénelon, du Bos, Rousseau

La quête du sens a longtemps fait partie intégrante du plaisir que procure la peinture. Roger de Piles l’énonce encore en 1708, dans son cours de peinture. Selon lui, la peinture nous “divertit” entre autres “ Par l’histoire, & par la fable dont elle rafraîchit notre mémoire, par les inventions ingénieuses, & par les allégories dont nous nous faisons un plaisir de trouver le sens, ou d’en critiquer l’obscurité; ”. Nul moyen de se dissimuler cependant que cette déclaration prend place dans un développement où s’épanouit l’éloge de “l’imitation vraie et fidèle”, dont la force “appelle” le spectateur en le “surprenant”. Au demeurant, s’il y a plaisir à critiquer l’obscurité des allégories, celui d’en trouver le sens est-il plus qu’un jeu ? Plaisir annexe ? S’annonce ici un avenir douloureux pour l’allégorie, à peu près unanimement condamnée par les théoriciens du siècle des Lumières. Mais s’ébauche aussi une autre voie, celle d’un triomphe de l’imitation simple, dont en somme la nature morte non symbolique (celle d’un Chardin qui évite avec soin, dans ses natures mortes, les éléments prêtant à interprétation) pourrait passer pour l’exemple le plus pur : peinture où il n’y a sens ni à trouver, ni à critiquer. Or cette voie, ni de Piles ni ses successeurs ne la prennent : le succès de telle ou telle oeuvre n’entraîne pas la reconnaissance attendue, pour le peintre et pour son genre. A interroger la pensée de l’image de peinture, mon propos est ici d’apporter quelques éléments de réflexion sur une situation paradoxale, sur la manière dont une certaine image de peinture, en somme, ne parvient pas à se penser de manière satisfaisante, en interrogeant trois textes, ce qu’ils disent et laissent penser.

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Les images sont-elles toutes de la même famille ? De l’unité de l’imagination

image_cabestan.gifJe contemple “la” gravure de Dürer ; puis, l’abandonnant, j’imagine un chevalier affrontant la mort ; enfin je m’assoupis et voici que ce que je contemplais ou imaginais, je le rêve. Le sujet visé mis à part, quoi de commun entre ces différents actes de ma conscience ? L’un suppose le sommeil et les deux autres un état de veille. Dans un cas nous fait face une feuille de papier recouverte de traits noirs et inscrite dans l’espace de la perception, dans les deux autres la conscience forme, indépendamment semble-t-il de tout support, une image de son choix. Ne doit-on pas seulement dans ces deux derniers cas parler au sens propre de re-présentation (Vergegenwärtigung) ou, selon la traduction adoptée par Sartre que nous conserverons dans cette étude, de présentification ? Est-il possible dans ces conditions d’invoquer à chaque fois une seule et même fonction de la conscience ? Ne faut-il pas au contraire soigneusement distinguer entre une conscience d’image à partir d’un support matériel perceptible dans l’espace objectif et l’image mentale ? La spatialité de l’une est-elle la spatialité de l’autre ?

Et pourtant si on dit “voir” ou “regarder” un portrait, des photographies, une gravure, nul ne dira que le chevalier de Dürer est perçu. Ni perçu, ni signifié, c’est-à-dire visé à vide, doit-on dire alors que dans le rêve, dans l’imagination comme dans la “perception” de la gravure, le chevalier est donné en image ? Et dans un même mouvement ne doit-on pas élargir le champ de l’imagination et y introduire toutes ces “images” que sont le reflet de mon visage dans un miroir ou à la surface de l’eau, l’ombre d’un corps ou d’une maison engendrée par la lumière du soleil, le visage que je découvre dans les arabesques du tapis ou dans les volutes d’un nuage, etc. ?

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La question de l’image chez Fichte

image-fichte.gifDu point de vue de l’histoire de la philosophie, il est frappant de voir deux philosophes aussi différents que Fichte et Bergson accorder à l’image un rôle essentiel pour traiter du rapport de l’esprit au monde. Ce que Bergson fait dans Matière et mémoire sur le plan d’une psychologie philosophique, en vue d’expliciter la nature de la perception, Fichte le fait dans le contexte différent de la systématisation de l’idéalisme transcendantal, en développant une W.L. , une logologia qui deviendra une doctrine de l’image. On ne poursuivra pas ici le parallèle entre les deux auteurs pour ce qui est du traitement de l’image, on s’intéressera seulement à la fonction du Bild, du Bilden dans la pensée de Fichte. Généralement on voit dans la W.L. une systématisation de l’idéalisme critique et de la théorie kantienne du schématisme, ce qui expliquerait le rôle donné à l’imagination (Einbildungskraft) dans l’analyse fichtéenne du mécanisme de production des représentations nécessaires du Moi fini. Cependant, jusqu’en 1800, jamais le premier Fichte n’a déduit du rôle éminent de l’Einbildungskraft la conséquence selon laquelle nos représentations ne seraient que des images de l’être : si le Moi est producteur d’images, en aucun cas Fichte n’accepte ici un dualisme réel entre le phénomène et la chose en soi, que la théorie de l’imagination transcendantale a justement pour but de supprimer. Les images comme produits renvoient à l’activité du Moi et non à un être hors du Moi, a fortiori supérieur au Moi. L’image comme telle ne devient l’objet d’une thématisation explicite par Fichte que lorsque l’Einbildungskraft est pensée à partir de la nature de Bild, ce qui semble paradoxal puisque le produit semble éclairer l’instance productive, défiant tout ce que l’idéalisme critique nous avait appris jusque là. Cette inversion n’a rien de surprenant si on rappelle les médiations spécifiques qui renvoient au destin de la W.L. lors de sa réception et si on tient compte des objections émises à son propos par les adversaires et les contradicteurs de Fichte. Après la Lettre de Jacobi et la Querelle de l’Athéisme, Fichte modifie la présentation de la W.L. et opère des modifications doctrinales qui lui apparaissent indispensables pour sauver l’idéalisme face au nouveau dogmatisme qui s’annonce.

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Aristote Ethique à Nicomaque Livre X

Le titre traditionnel de l’Éthique à Nicomaque (éthika nikoma – sous entendu bibla) est : Livres de morale édités par Nicomaque . Ce titre n’est pas d’Aristote et il est peu probable qu’Aristote ait donné seulement un titre à son cours de morale. On ne doit pas oublier que les œuvres qui nous sont parvenues ont été laissées par Aristote sous la forme de notes, que ce sont des travaux ésotériques (à l’intérieur de l’Ecole) ou « acroamatiques » (destinées à l’enseignement oral) – les œuvres exotériques, elles, ayant été perdues comme souvent pour la philosophie antique dans les premiers siècles de l’ère chrétienne (De la philosophie, le Protreptique…) – et que donc l’ordre et l’unité des textes demeurent toujours problématiques. D’ailleurs quand Aristote fait référence à son enseignement moral (cf. Jaeger), il se réfère le plus souvent (à l’exception tardive du livre 4 de la Politique) à son premier cours, c’est-à-dire à l’Éthique à Eudème. En tois éthikois écrit toujours Aristote (cours de morale). On notera qu’il ne parle jamais de la morale, de la science morale (hè éthikè), même si l’on trouve l’expression d’« ètikè theôria» – science étant ici à entendre au sens large de sagesse. Et même s’il propose de distinguer entre science (épistèmè) pratique, poiétique et théorétique (Métaphysique, E, 1, 1025b3-28), il ne faut pas en conclure qu’Aristote pose les principes d’une science de la moralité. Cette « science pratique » a pour objet l’action humaine, « non pas l’action posée ou passée, mais l’action à poser (prakton), l’action à venir (esomenon), non pas l’action d’autrui, mais l’action que doit réaliser le sujet connaissant ».

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Retour sur la signification phénoménologique de la notion d’image dans Matière et mémoire

Je voudrais, tout d’abord, préciser le sens que je donne à la notion de « phénoménologie » dans mon titre. Par « phénoménologie », j’entends le refus de poser le moindre problème philosophique indépendamment de la question du sujet et de l’objet. Ce refus caractérise la phénoménologie historique, celle-ci dût elle, par après, récuser l’opposition du sujet et de l’objet, comme c’est le cas, chez Husserl, avec la notion d’intentionnalité, comme c’est le cas, chez Heidegger, pour d’autres raisons. Or, on a souvent reproché à Bergson l’absence de problématique du sujet et de l’objet dans son œuvre, et on a souvent affirmé que la durée, en raison de cette absence, a tous les caractères d’une chose, qu’elle existe en troisième personne, qu’elle ne constitue en rien une conscience, qu’elle est une chose simplement plus subtile que les solides inorganisés. Ce reproche fut formulé par Sartre, dans L’imagination , mais aussi dans la célèbre « Note sur l’intentionnalité », plus précisément : « Une idée fondamentale de la phénoménologie de Husserl : l’intentionnalité »…

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Un aspect de la Lettre sur les aveugles : Diderot contre Voltaire

Sans être un adepte, au sens strict, de l’immatérialisme de Berkeley, Voltaire s’oppose, dans les Éléments de la philosophie de Newton (1738), à l’acceptation d’une causalité purement matérielle et géométrique dans l’explication des phénomènes. Aussi accuse-t-il Descartes lui-même, de conduire au matérialisme athée, dans le Traité du monde, en voulant rendre compte de l’ordre de l’univers simplement à l’aide de la matière et du mouvement. Le newtonianisme représente alors, et à ses yeux, la première « physique » de l’âge de la raison, qui rompt définitivement avec l’ère des systèmes arbitraires des cartésiens, mais aussi le fondement d’une « métaphysique » finaliste et déiste, notamment lorsque qu’il s’agit de traiter de la lumière et de la vision. Du point de vue qui nous intéresse, Voltaire commence par souligner que nous ignorons la nature de la lumière, bien qu’il s’agisse d’un corps, dont les parties ou corpuscules, sont solides. Il re-prend en effet l’hypothèse de Newton, selon laquelle la lumière n’entre ja-mais en contact avec les corps. Le préjugé vulgaire, qui veut que les rayons lumineux rejaillissent de la surface solide des objets, pour nous en apporter les images, et que les corps soient donc d’autant plus aptes à réfléchir ces images qu’ils comprennent moins de pores ou de vide, est démentie par deux arguments principaux…

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La perception selon Merleau-Ponty

La perception selon la Phénoménologie de la perception de Merleau-Ponty

La perception désigne chez Merleau-Ponty un « contact naïf avec le monde » que la philosophie a la tâche de « réveiller », en remontant en deçà des constructions et des idéalisations de la science, en deçà même des convictions de l’attitude naturelle, afin de réactiver, de critiquer, de rectifier, de refonder les significations fondamentales qui régissent notre intelligence de l’être et même l’accès à notre propre être.

La perception est donc notre ouverture au monde, notre « insertion » dans un monde, naturel et historique, elle est pour ainsi dire notre initiation à l’être .

Mais qu’elle soit ouverture originelle au monde, initiation à l’être n’implique pas que la perception soit d’emblée transparente à elle-même ; Merleau-Ponty pense au contraire que la perception ne livre pas son essence à une saisie immédiate : « elle est ensevelie sous les sédiments des connais-sances ultérieures » et elle doit être reconquise « par un travail comparable à celui de l’archéologue ».

Ce travail, Merleau-Ponty l’accomplit à l’aide de la phénoménologie, mais aussi à la frontière de la phénoménologie.

Dans un premier moment, coïncidant avec la La structure du comportement et la Phénoménologie de la percetion, le travail d’archéologie est conduit, à l’aide de la phénoménologie, sur deux fronts : contre l’idéalisme et l’intellectualisme, qui assimilent la perception à une pensée de voir et à une pure « inspection de l’esprit », contre le naturalisme ou le réalisme, qui la réduisent à un événement objectif survenant dans une nature en soi.